La lanterne d’Akklésia

Le dogme de la Trinité

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Malgré sa complexité, ses subtilités théologiques parfois pénibles et son statut de dogme, la Trinité constitue déjà une tentative pour répondre à la question posée par le Nazaréen : « Qui dites-vous que je suis ? ». Une réflexion sur l’identité de Dieu.

Rejetée par les deux autres monothéismes, judaïsme et islam, la doctrine de la Trinité est un marqueur du christianisme aux yeux des non-chrétiens. L’ordre des Trinitaires (XIIIe s.) en avait fait son emblème pour cette raison*. Fondé sur la parole biblique « Libérez les captifs » (Ésa. 49:9, Luc 4:19), cet ordre s’était donné pour mission de délivrer les chrétiens, principalement ceux qui étaient faits prisonniers dans les razzias mahométanes. La figuration de la Trinité sur leurs bâtiments proclamait ainsi explicitement la religion chrétienne.
* Voir le document suivant sur l’art des Trinitaires : https://hal.univ-lorraine.fr/hal-01791893/document

Le diagramme grec

Rarement évoquée, cette représentation de la Trinité a pourtant la particularité de prendre en compte la place de l’homme. Elle consiste en une ligne droite sur laquelle viennent s’aligner successivement : le Père qui entraîne le Fils, tous deux entraînant le Saint-Esprit. Au bout de l’axe, l’homme se trouve visité par les trois, ensemble, qui forment pour ainsi dire la plénitude de Dieu.

trinité diagramme grec
source : https://www.abitibi-orthodoxe.ca/page77.html
Les Latins employaient le triangle pour symboliser la Trinité. Le symbole grec, ou, comme on dirait dans le langage scientifique la « figure schématique », des Grecs était une ligne droite. Le mouvement divin, surgissant du Père pour constituer le Fils, entraînait le Fils pour constituer le Saint-Esprit.
Mourret, p.205, c’est moi qui souligne.

Le schéma latin

Il s’agit de la représentation bien connue en triangle commenté aussi appelée Scutum Fidei, bouclier de la foi.

Plus conceptuelle, cette visualisation ne prend pas en compte la place de l’homme vis-à-vis de Dieu. En revanche, en explicitant d’emblée les relations entre les trois « pôles » de la divinité, ce schéma présente l’avantage de figurer et de résumer le dogme qui fut précisé au concile de Nicée, en pleine tempête arienne.

Les termes grecs, latins, et ce qu’ils impliquent

Ousia, Usie [grec ούσια] — Traduit par substance.
Hypostasis, Hypostase [grec ύπὸστασις] — Rendu en français par personne.

Dans le langage des anciens Pères grecs, ces deux mots étaient souvent confondus.

Eusèbe et ses amis affectèrent d’employer, de préférence au mot usie, le mot hypostase, qui, « soit parce qu’il était mal défini, soit surtout parce qu’on y adjoignait d’habitude la triplicité, se prêtait mieux à l’équivoque. « Trois hypostases, disaient-ils, donc trois êtres. Mais il n’y a qu’un seul être qui soit Dieu ; donc ni le Fils ni le Saint-Esprit n’ont droit à l’adoration. » C’était là une suite déductive faite pour séduire les simples. »
Mourret, p.95.

Persona [latin] — Personne, avec une nuance de « masque », « visage », « aspect ».
Prosopon [grec προσοπον] — Traduction grecque de Persona signifiant en grec la « face », le « visage », l’« aspect », etc.

La ruse arienne ne devait pas échapper aux Occidentaux, pour qui une semblable confusion de mots ne pouvait exister, et qui, exprimant le principe de l’unité par le mot substantia, réservaient pour le principe de la triplicité le mot persona[*] ; mais le piège réussissait auprès des Grecs.
[*] Il est vrai que ce mot prêtait à une autre équivoque. Le mot persona ayant la signification primitive de masque, de visage, d’aspect, et les Grecs le traduisant par προσοπον [prosopon], quelques-uns étaient portés à ne voir dans les trois Personnes divines que trois aspects de la divinité, et à tomber ainsi dans l’hérésie sabellienne.
Mourret, p.95-96.

Ces termes déclenchaient les passions et crispaient les esprits ; ils servaient également de signe de reconnaissance et de ralliement pour chacun des partis. En outre, les différences entre les deux grands idiomes de l’empire romain — le grec et le latin — ne faisaient qu’ajouter à la confusion du débat sur la nature du Dieu chrétien, comme le raconte encore Fernand Mourret :

L’assemblée s’occupa ensuite des regrettables malentendus que causaient le sens mal défini des mots grecs ousia, hypostasis et prosopon (ούσια, ύπὸστασις, προσοπον). Quand les Latins, considérant comme synonymes les mots ousia et hypostasis, disaient qu’il y avait dans la Trinité trois hypostases, ils paraissaient aux yeux des Grecs admettre trois substances et professer un grossier arianisme. D’un autre côté, lorsque les Grecs disaient qu’il y a en Dieu trois prosopa, ils semblaient, au regard des Latins, n’y voir que trois aspects, trois « visages », comme les sabelliens. Saint Athanase, qui possédait parfaitement les deux langues, fit comprendre aux Pères du concile, que, sous un langage différent, les uns et les autres entendaient la même chose, et l’on décida que désormais chacun pourrait employer la formule dont il avait l’habitude, à la condition de l’entendre d’une manière conforme à la doctrine de Nicée.
F. Mourret, Les Pères de l’Église, Librairie Bloud et Gay, Paris, 1938, p.165.

La nature exacte du Verbe — c’est ainsi que l’évangile de Jean appelle Jésus-Christ : le Logos – triturait les esprits. Les chrétiens disaient qu’il était le Fils de Dieu et Dieu. La philosophie grecque avait déjà beaucoup réfléchi sur la nature divine ; des termes philosophiques – techniques – furent ainsi repris dans le débat autour de la nature du Christ (Logos était déjà un terme de la philosophie grecque), l’entraînant dans une dispute théologique complexe.

Athanase d’Alexandrie était lui aussi imprégné de culture philosophique grecque, sa doctrine du Verbe s’en ressent fortement. Malgré cela, il était habité par l’intuition de s’attacher au sujet de l’incarnation de Dieu, donc à la personne du Christ ; car Athanase comprenait que c’est ce qui importait le plus pour chaque homme. Le plus important dans le mystère du Dieu Père, Fils, Esprit tournait pour lui autour de cette histoire d’Incarnation de Dieu et non pas autour du bon dosage de trois « éléments divins ». L’angle des ariens était la transcendance divine, celui d’Athanase était le mystère de la Rédemption.

« Le fondement de la foi chrétienne, disait-il, n’est autre que le mystère du Verbe incarné pour racheter les hommes et pour les rendre enfants de Dieu. Mais comment pourrait-il les diviniser s’il n’était Dieu lui-même ?[…] »
Mourret, p.48.

Qui plus est, le principe ternaire est un principe de la nature, un principe d’équilibre qui se retrouve dans de nombreuses cultures à travers les âges. Un tel contexte a contribué à subordonner le réflexion sur « Jésus le Ressuscité » à un questionnement sur la nature du Dieu suprême et sur sa « configuration ternaire ». Trois personnes ou bien trois substances ? fut pendant plusieurs siècles la principale alternative débattue au sujet du Dieu chrétien. En plus évidemment de la question tout aussi technique des relations entre ces trois personnes ou substances. Très bref rappel de quelques partis :

Les relations entre Père, Fils, Esprit

A - ÉGALITÉ de substance : c’est l’omoousios/homoousios, les deux graphies sont usitées, avec ou sans H initial · ὁμοούσιος · « même substance », en français : consubstantiel. C’est la position orthodoxe, dans le sens de « conforme à la doctrine », et officielle de la majorité des Églises et des chrétiens aujourd’hui. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont égaux, ont la même nature et sont distincts. À noter que la consubstantialité contient déjà l’idée de distinction de ses objets, puisqu’une chose ne peut être consubstantielle à elle-même mais seulement à une autre.
« Composé de deux mots, dont l’un signifiait même et l’autre substance, il avait l’avantage d’impliquer à lui seul deux idées philosophiques très subtiles : identité de substance et, en même temps, pluralité de personnes : consubstantiel ne pouvait, en effet, s’appliquer à deux êtres qu’à la condition qu’ils fussent distincts l’un de l’autre ». Mourret, p.50.

B - SIMILITUDE (Père-Fils) :
B1 - Similitude de substance : c’est l’omoiousios/homoiousios · ὁμοιούσιος · homoios = semblable, ressemblant, similaire... + ousios = substance (voir plus haut). La construction du terme en grec le rend presque identique au précédent — avec un i pour le séparer de la première position, infime différence qui sera utilisée dans une ruse de ce parti désigné comme « semi-arien ».
B2 - Similitude générale : c’est l’homéisme, du terme omoios/hómoios · ὅμοιος · « semblable, ressemblant, similaire » — une position intermédiaire entre les homoiousiens et les anoméens (voir plus bas), donc plus tardive que les autres. « Ils déclaraient, du reste, entendre ce mot d’une similitude de volonté, et non de substance. En d’autres termes, pour eux, dire que le Christ était Dieu, c’était dire que sa volonté s’était complètement conformée et adaptée à la volonté de Dieu. » Mourret, p.152.

C - DISSEMBLANCE (Père-Fils) :
C1 - Les Ariens : ne sont pas trinitaires. Pour eux, Jésus-Christ est le Fils de Dieu, il est Dieu le Fils. Mais il a été créé dans le temps, c’est donc une créature, distincte du Père, et qui Lui est subordonnée. Le terme grec qui qualifie leur position christologique est heteroousios · ἑτεροουσιος · « de substance différente, autre ».
C2 - Les Anoméens ou Eunoméens : c’est le parti de l’anomoios · ἀνὅμοιος · « pas même semblable » — une secte arienne radicale qui soutien que le Fils n’est pas du tout de même nature que le Père, arguant que l’essence de Dieu est d’être inengendré et que le Fils engendré n’est donc pas Dieu. Seul le Père est Dieu.
C3 - (Saint-Esprit) Les pneumatomaques ou macédoniens : homoiousiens en ce qui concerne le Fils, ils considèrent que l’Esprit Saint n’est pas une personne divine mais une créature du Père, inférieure à Lui.

b

Le schéma ci-dessous, qui se lit de gauche à droite, résume les principaux courants christologiques, c’est-à-dire les principales positions quant à la nature du Christ. On remarque un affinement logique de la réflexion, toujours poussée vers une plus grande subtilité. La position dogmatiquement orthodoxe est celle des Chalcédoniens, en haut à droite, pour qui la nature de Jésus est à la fois divine et humaine, natures en lui non séparées mais distinctes.

Par Raminagrobis — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=51650735

La réflexion christologique suit une progression historique, chronologique. Cinq siècles environ s’écoulent entre le premier stade du raisonnement et l’ultime précision mentionnée sur le schéma, à savoir, la distinction des deux natures non-séparées.

La discussion de certains Pères de l’Église autour de kyriakos anthrōpos, expression particulière désignant le Christ dans leurs écrits, témoigne de cette évolution dans la perception du Fils de Dieu vers plus de subtilité et de détail.

Les premiers Pères, lorsqu’ils évoquaient le Seigneur et tentaient d’expliquer le mystère de sa nature, n’étaient pas encore entravés par les interdits lexicaux qui se sont multipliés au fur et à mesure des débats et de la guerre entre les différents partis. Au fil des développements de cet affrontement théologique (conciles, nouvelles doctrines, nouveaux anathèmes, etc.) certains termes devinrent suspects de consonances hérétiques.

Parmi les prédicats christologiques (expressions, titres, termes divers qui disent quelque chose sur la nature du Christ) rencontrés dans les Écritures, les commentateurs distinguaient entre ceux qui dénotent des qualités ou activités transcendantes et ceux qui suggèrent des qualités humbles. Ces prédicats étaient bien sûr diversement interprétés : les Ariens voyaient par exemple dans les derniers la preuve que le Christ n’est pas Dieu.

Kyriakos anthrōpos – Homo dominicus

L’expression KYRIAKOS ANTHRŌPOS a été utilisée pour désigner le Christ par plusieurs Pères. D’abord attribuée à Athanase, elle fut relevée dans quelques autres écrits patristiques entre le IVe et le VIe siècle. En latin, l’expression a été rendue par homo dominicus, l’« homme dominical » ou l’« homme seigneurial », une version utilisée entre autre par l’acharné des Écritures Jérôme. Cette expression reste encore à l’heure actuelle une énigme car elle n’a jamais été explicitée par ses utilisateurs bien qu’elle ait évolué dans le temps avec la réflexion christologique.

Liée à la réalité humaine de Jésus-Christ, l’expression n’est cependant utilisée à son propos que dans certains contextes bien particuliers. Trois types d’emplois se dégagent des sources.

La source pour le présent chapitre est la suivante (anglais) : Alois Grillmeier, Jesus Christ, the Kyriakos Anthrōpos. Toute la partie de mon billet intitulée « Kyriakos anthrōpos – Homo dominicus » reprend, paraphrase et donne directement de larges passages traduits de cette étude qui date de 1975.

1 · Dans sa gloire

Kyriakos anthrōpos est d’abord réservé à la description de Jésus-Christ dans sa gloire, que ce soit après sa résurrection ou dans sa gloire préexistante, toujours en association avec un prédicat ou titre humain. Les sources étudiées pour ce premier usage sont le Tome aux Antiochiens attribué à Marcel d’Ancyre ou à Athanase, l’Expositio Fidei attribuée à Athanase et la Lettre à Nicolas de Marc l’Ermite. La première de ces sources est une lettre de conciliation adressée par l’Église d’Alexandrie aux chrétiens d’Antioche abordant les questions d’Incarnation. Dans cette lettre, le Fils de l’Homme est comparé à un vêtement dont le Fils de Dieu se serait revêtu. L’auteur cite également les mots d’Étienne en Actes 756 [je vois les cieux ouverts, et le Fils de l’homme assis à la droite de Dieu] et commente : « Il n’a pas dit qu’il voyait le Verbe ou la Sagesse de Dieu mais le Fils de l’Homme, l’Homme dominical né de Marie. »

Grillmeier résume l’application de kyriakos anthrōpos dans ces premières sources comme concernant exclusivement le Logos/Verbe en tant que Fils incarné : Christ l’homme dans sa glorification, c’est-à-dire après sa résurrection et ascension, ou comme dans une sorte de préexistence idéale de l’homme Christ, selon Prov 822, ou encore, dans cette préexistence idéale, en considérant le Kyriakos Anthrōpos dans toute sa trajectoire, humiliation et exaltation incluses, en tant qu’archē, clef de voûte de la création et du salut.

Il propose la traduction suivante de kyriakos – « en gloire » ou « glorifié » ; et pour Kyriakos anthrōpos – « L’homme Jésus-Christ dans sa gloire, cette gloire étant soit anticipée soit prophétisée ou bien vue dans sa réalité après sa résurrection et ascension, ou en tant que né de la Vierge. » Il y a là, dit-il, « une intéressante théologie biblique qui considère avec précision les différentes étapes de Christ l’homme et limite l’emploi de kyriakos anthrōpos exclusivement à un état de cette humanité dans sa gloire réelle ou anticipée. » [c’est moi qui souligne].

2 · Fils de Dieu incarné

Plus tard, alors que les discussions autour de la nature du Christ Jésus avaient évolué vers une identification plus enracinée de l’homme Jésus avec Dieu, l’expression à l’étude en est venue à exprimer l’union des natures humaine et divine dans ce personnage. Dans ce deuxième type d’emploi, Kyriakos anthrōpos désigne simplement le Fils de Dieu incarné. En tant que telle, l’expression pouvait désormais être utilisée pour parler du Christ pendant sa vie terrestre, là où seul le terme « Jésus » était utilisé par les précédents Pères. Dans le Liber de Spiritu sancto, Didyme d’Alexandrie surnommé l’Aveugle commente ainsi l’effusion de l’Esprit Saint suite à l’exaltation de Jésus : « Et cela, nous devons le recevoir dans le sens de la foi, sans soulever de contestation à propos de l’Homme-Seigneurial : ce n’est pas qu’il soit autre et autre [alter et alter : deux personnes séparées], mais on raisonne au sujet d’un seul et du même, ici selon sa nature divine et là selon celle de l’homme ; parce que le Verbe Dieu, Fils Unique de Dieu n’a subi ni changement ni accroissement, étant lui-même la plénitude des biens. » [mélange des traductions de L. Doutreleau et Grillmeier]. Autrement dit, Jésus-Christ Verbe et Fils de Dieu est homme et Dieu tout le temps.

La précision que le Fils de Dieu Jésus n’est pas alter et alter semble signifier d’après Grillmeier que l’expression kyriakos anthrōpos était à ce moment-là dans une autre phase de la discussion christologique, où elle était suspecte d’induire un double sujet dans le Christ – ce qui sera une objection apollinariste.

Dans ses commentaires des Psaumes, le même Didyme utilise kyriakos anthrōpos en y incluant la vie terrestre de Jésus, notamment à propos d’un verset qui pourrait s’appliquer à n’importe quel homme juste (Ps 312) et que Didyme applique au Modèle des sauvés, le Kyriakos Anthrōpos. La raison invoquée pour appliquer l’expression aussi bien au Christ glorifié qu’au Christ dans son humble vie terrestre est son union avec le Fils Unique engendré du Père.

Épiphane de Salamine (IVe s.) emploie kyriakos anthrōpos même dans le contexte paradoxal de la déréliction du Christ en croix et de sa descente au séjour des morts. Ce faisant, il riposte à une interprétation du cri de déréliction par les Ariens qui attribuent ce cri au Verbe/Logos, qu’ils ne considèrent pas comme Dieu. Pareillement, c’est une interprétation directement opposée à celle des Ariens qu’exprime le pseudo-Athanase lorsqu’il commente Luc 252 [Et Jésus croissait en sagesse, en stature, et en grâce, devant Dieu et devant les hommes]. Dans ce contexte, pour le pseudo-Athanase, Jésus est l’Homme Seigneurial et non pas Dieu le Verbe/Logos. Le même auteur va faire face aux Apollinaristes.

La grande préoccupation d’Apollinaire, disait-on, avait été d’établir que le Christ est un Dieu fait homme, et non pas un homme fait Dieu. À l’encontre des ariens, qui ne voulaient voir en Jésus qu’un homme laissant pénétrer son intelligence et sa volonté par la Divinité, Apollinaire, ajoutait-on, a voulu montrer, dans le Christ, Dieu prenant un corps humain et l’animant de son amour, de sa volonté et de son intelligence, de manière à n’en faire plus qu’une seule personne, qu’un seul être, qu’une seule nature. Lorsqu’ils disaient cela, les disciples d’Apollinaire ne remarquaient pas, ou feignaient de ne pas remarquer, qu’en expliquant de cette sorte la divinité du Christ, ils arrivaient à nier l’intégrité de son humanité. Déjà, au concile d’Alexandrie, en 362, on leur avait objecté que « le Sauveur n’avait pas un corps sans âme, sans intelligence..., qu’Il n’était pas seulement venu sauver notre corps, mais notre intelligence, notre âme. » En 374, dans son Anchoratos, et en 377 dans son Panarion, saint Épiphane avait dénoncé l’erreur nouvelle, lui opposant le symbole qu’on faisait réciter aux catéchumènes suspects : « Le Verbe s’est fait homme, c’est-à-dire a pris une nature humaine parfaite : l’âme, le corps, l’esprit, tout ce qui constitue l’homme, hors le péché. » On ne voyait pas encore alors, mais on put remarquer dans la suite que, par son insistance sur l’unité de l’être et de la nature dans le Christ, Apollinaire préparait la voie à l’hérésie monophysite.
Mourret, p.285, c’est moi qui souligne.

Farouchement anti-arien, le parti d’Apollinaire de Laodicée refusait cependant à Jésus une âme humaine. Selon eux, l’homme Christ était totalement habité et animé par le Logos, Dieu le Fils, sans médiation d’une âme aucune.

Apollinaire, en philosophe érudit qu’il était, se souvenait de la trichotomie platonicienne, comprenant le νοῦς [noos·esprit/raison], la ψυχη [psyché·âme/esprit]et le σῶμα [soma·corps]. Il refusait au Christ le νοῦς, dont le λογος divin, disait-il, tenait la place.
Mourret, p.158.

Le corps de Jésus, sa sarx (chair), était animé d’une theia empsychia c’est-à-dire d’une âme ou d’un esprit divin – la différence entre âme et esprit n’était pas alors tranchée. Cette présence divine, ce souffle divin qui donnait vie au corps de Jésus se manifestait physiquement par un rayonnement d’énergie divine. Grillmeier souligne que ce rayonnement, pris comme le signe d’un état de gloire permanent et indépendant de la Résurrection, entraîne l’impossibilité d’admettre dans le Christ un quelconque état d’abaissement, un status exinanitionis. De plus, ajoute-t-il, il s’agit là d’une autre conception de gloire et de « seigneurie » que celle évoquée dans les toutes premières sources de l’étude.

Dans un autre de ses écrits, Didyme met en scène un Apollinariste et un Orthodoxe et imagine leur dialogue. C’est de cet écrit, semble-t-il, que sont tirées les vues apollinaristes exposées ci-dessus. Le principal point débattu y est le suivant : Dieu le Verbe dans son incarnation avait-il une âme humaine ou pas ? L’Apollinariste le conteste et affirme que la chair du Christ est transformée par le Verbe/Logos, qui en est le principe animateur, et émet de la lumière et des énergies divines.

Le personnage de l’Orthodoxe rétorque que si le Christ n’a pas d’âme humaine, il n’a donc pas de corps humain. Mais puisque, même pour Apollinaire, le corps de Christ est homoousios avec Marie, par conséquent le Corps Seigneurial en tant que corps humain est consubstantiel à nous. Ce qui scandalise l’Apollinariste. Pour ce dernier, si le corps du Christ est en tout point le corps d’un simple homme (psilos anthrōpos), comment peut-il être qualifié de dominical ou seigneurial (kyriakon) ?

Si kyriakos anthrōpos implique l’affirmation d’une âme humaine dans le Christ, alors les Apollinaristes rejettent l’expression, qui est une contradiction dans les termes à leurs yeux. En revanche, en partant du principe que la physis (nature) divine anime le corps humain du Christ, les Apollinaristes s’autorisent dans ce cas à parler de « corps dominical » ou de « chair dominicale », que ce corps ou cette chair soient considérés avant ou après la Résurrection.

Vient ensuite cette affirmation que Didyme met dans la bouche de l’Orthodoxe : « J’appelle dominical le corps, dominicale l’âme, dominical le sang, et dominicale la tombe, et dominical l’homme entier en vertu de son union avec Dieu le Verbe. Un seul et même, à savoir, est Dieu et homme ; et nous pouvons l’appeler en même temps entièrement Dieu et entièrement homme. »

Dans le second groupe de sources, Kyriakos Anthrōpos est donc utilisé en raison de l’union de Dieu et de l’homme dans Jésus. C’est aussi en vertu de l’idée d’union Dieu-homme que les Apollinaristes emploient « kyriakos » à propos de Jésus, mais à une condition exclusive : Jésus-Christ doit vivre de la symbiose vitale de la divinité et de la chair humaine, sans aucune médiation d’une âme humaine ; il n’est donc pas entièrement homme. Pour les orthodoxes au contraire, le kyriotēs, la qualité dominicale, seigneuriale, concerne le corps et l’âme de Jésus, et même sa tombe, et ce à chaque étape de sa trajectoire : « Il est Dieu par nature, il est homme par sa participation gratuite à la condition d’homme. »

3 · Fils de Dieu incarné et Seigneur de gloire

Le troisième type d’emploi fait la synthèse des deux premiers, à savoir, la christologie de la gloire (1) basée sur la théologie de la kénose, notion de dépouillement de la gloire de Christ, dans sa condition divine, afin d’endosser pleinement la condition humaine (2). Les sources examinées pour ce dernier emploi sont l’Opusculum 11 de Marc l’Ermite et le traité anti-Nestorien Adversus Nestorianos de Léonce de Jérusalem.

La première source est datée de la fin du IVe siècle, dans le contexte de la première controverse origéniste. Marc est troublé par un groupe de théologiens qui divisent Jésus-Christ en attribuant l’Incarnation non pas immédiatement au Verbe/Logos en tant que sujet mais à l’« âme » qui médiatise le Verbe et la chair, de telle manière que l’union immédiate entre le Verbe/Logos et la chair humaine du Christ n’est plus possible. D’après Marc, ses adversaires considèrent Jésus comme un simple homme, un psilos anthrōpos. L’Incarnation est par conséquent vaine puisque le pouvoir divin du Verbe ne peut être communiqué à la chair pécheresse. Grillmeier propose d’identifier ces adversaires comme étant des gnostiques Origénistes pré-Évagriens.

Dans le but de réfuter une telle christologie intellectualiste et gnostique, Marc s’appuie sur 1Cor 121, 23 pour dérouler une christologie de gloire, du Kyriakos Anthrōpos, mais sur la base d’une nouvelle théologie de kénose qui englobe toute la trajectoire du Christ, de telle sorte que Jésus-Christ est le Kyriakos Anthrōpos même lorsqu’il est le crucifié. Les propos de l’apôtre Paul peuvent en effet être pris dans ce sens. Mais Marc l’Ermite se charge d’expliquer comment Jésus peut être considéré comme Seigneur en gloire tout en étant un corps mort sur la croix.

C’est, dit-il, en raison de l’indissoluble union hypostatiquehenōsis kath’ hypostasin. Dans le Dialogus 4 de s. trinitate, Didyme avait vu cette raison mais n’avait pas utilisé la même expression explicite, et son idée de kyriotēs n’était pas soulignée de la même manière. En effet, pour Marc, qualifier la croix et la tombe du Christ de « dominicales » ne découle pas seulement de la kénose ; le fait de la kénose, le dépouillement de la gloire du Christ dans sa vie terrestre, est pour lui inséparable de sa manifestation dans le corps et dans tous les événements de la vie de Jésus-Christ. Dans son Opusculum 10, l’insistance sur le kyriakos est telle que le danger d’une christologie monophysite est proche.

Par conséquent, Marc conserve ici son point de vue déjà évoqué en (1), considérant le Christ dans sa trajectoire historique au terme de laquelle se trouve le kyriotēs, la gloire du Seigneur, mais il le combine avec une vue plus ontologique exprimée par les termes henōsis kath’ hypostasin : « indissoluble union hypostatique » qui élargit l’idée de Seigneurie pour y inclure la Croix en plus de l’état d’exaltation post-Résurrection.

Le risque de monophysisme est encore plus imminent avec Léonce de Jérusalem. Dans son traité contre les Nestoriens il déduit toutes les propositions christologiques du fait de l’union hypostatique. Bien qu’il se réfère à la donnée historique de l’Incarnation et à tous les événements de l’économie du salut (naissance, vie, mort et résurrection), tout est considéré sous l’aspect de l’unité et de l’union de substance du Kyriakos Anthrōpos avec l’hypostase du Logos/Verbe. C’est le point de départ d’une dogmatique du Kyriakos Anthrōpos que formule Léonce.

Au chapitre 18 de son traité, il pose la question suivante : Si le Verbe/Logos entre en synthèse avec un homme, tel que l’un d’entre nous, qui profite de cette union ? Le Verbe lui-même, ou l’homme avec lequel il est uni, ou les deux, ou aucun des deux mais plutôt nous, nous-mêmes ? C’est bel et bien le dernier cas. « À cause de l’union avec Dieu, toutes les richesses de la déification (divinisation) sont échues en partage au Kyriakos Anthrōpos, à lui en tant que premier fruit de la masse humaine et que premier-né de tant de frères et que tête du corps, l’Église […] à cause de l’union hypostatique de la nature divine avec lui. »

Bien qu’il reprenne les divers éléments de la théologie du Kyriakos Anthrōpos vus précédemment, Léonce n’opère pas la distinction faite en (1) qui réserve ce titre à l’homme Jésus après sa Résurrection et son Ascension. Pour lui, même le Jésus terrestre est dans une telle union avec Dieu qu’il est presque toujours l’homme déifié, toujours en plein rayonnement de son kyriotēs.

La théologie de la kénose, encore balbutiante à l’époque des deux première sources de l’étude (Tome aux Antiochiens et Expositio Fidei), prit son essor durant la vie de Marc l’Ermite et continua à se développer jusqu’à l’époque néo-chalcédonienne. Le kyriotēs, qui se manifeste seulement après la passion de Jésus selon les premiers Pères cités, est, selon le Marc de l’Op. 11 et Léonce, accordé avec l’union hypostatique. Léonce parle même des « richesses de la déification ».

Pour Léonce, le titre Kyriakos Anthrōpos résume tous les éléments de la déification et toutes les prérogatives divines de l’homme Christ. Son « Christ » est néanmoins exclusivement centré sur le Logos/Verbe et conçu du point de vue de la physis (nature) divine du Verbe. Son emphase sur le Kyriakos n’admet aucune christologie de l’abaissement.

En résumé

Pour le premier groupe de Pères, Kyriakos est combiné à anthrōpos uniquement en référence au kyriotēs (gloire seigneuriale) réel du Christ ressuscité. Kyriotēs qui se retrouve également dans l’éternelle prédestination de l’homme Christ et dans la perspective prophétique du Christ considéré comme archē selon Prov 822 ou comme prōtotokos (premier-né), kephalē (tête), aparchē (prémices) selon la sotériologie paulinienne. Le Kyriakos Anthrōpos est le commencement et la fin de tous les actes de salut de Dieu en préparation de l’Église. L‘expression se traduit dans ce cas de la manière suivante : « Jésus-Christ l’homme dans son kyriotēs, dans sa Seigneurie, l’homme glorifié, l’homme dans son exaltation » ou par des termes exprimant la gloire réelle et manifeste de Christ en tant que Kyrios (Seigneur).

Dans le deuxième groupe d’utilisateurs kyriakos anthrōpos peut se traduire par « l’homme du Seigneur », c’est-à-dire, la condition d’homme du Seigneur, son humanité. Dans ce cas, Kyrios est le Logos/Verbe incarné et tout ce qui lui appartient peut être qualifié de kyriakos : son corps, son âme, son sang, sa croix, et sa tombe. Il s’agit là d’un emploi plus dogmatique car kyriakos est appliqué à Jésus en raison de son union avec le Fils ou Logos préexistant, que le Verbe Incarné soit vu dans son état terrestre ou glorifié. Compris dans un sens aussi large, l’emploi du terme se dilate et s’affadit.

Le troisième groupe de Pères combine les vues du premier groupe avec une intense réflexion dogmatique sur l’union hypostatique. Cette indissoluble union hypostatique est vue comme entraînant l’efficacité et l’effluence de la divinité du Christ dans son existence humaine. Christ est considéré dans son kyriotēs permanent et parfait.

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Dans l’étude de Grillmeier sur l’expression Kyriakos Anthrōpos, on rencontre au détour d’une note la doctrine des deux statuts, à ne pas confondre avec la doctrine des deux natures. Status exinanitionis fait référence à l’abaissement de Dieu, à son état d’humilité : Dieu s’est vidé, dépouillé (exinanitur) de sa gloire et s’est fait homme. Status exaltationis désigne son exaltation, son état dans la gloire. Dans une étude sur la théologie de K. Barth, le professeur de théologie Benoît Bourgine commente en ces termes un certain choix éditorial opéré par le théologien suisse : « le choix audacieux consistant à comprendre le vere Deus à la lumière du status exinanitionis et le vere homo à la lumière du status exaltationis » (p. 287-288), lien vers l’article . Bourgine venait d’expliquer le propos de Barth, qui voit le mouvement symétrique suivant : Dieu révèle le mystère de sa vraie divinité (vere Deus) dans le fait même de s’abaisser, et l’homme révèle le mystère de la véritable humanité (vere homo) dans le fait d’être exalté.

Bien que j’aie tendance à me garder des raisonnements en chiasmes parfaits et plus généralement des raisonnements symétriques, ce mouvement croisé du vrai Dieu révélé dans l’abaissement et du vrai homme révélé dans l’exaltation peut en effet servir à résumer le christianisme et, pour le comparer à une autre construction logique chrétienne, me paraît plus édifiant que la Trinité.

N

Pour certains Pères de l’Église, le risque discuté du Kyriakos anthrōpos, son parfum d’interdit, réside dans le mot anthrōpos qui exprime l’humanité du Christ, son état, sa nature d’homme (anthrōpos). Avec l’apparition du nestorianisme qui voit deux personnes/substances distinctes dans le Christ, mais aussi de l’apollinarisme qui nie l’existence d’une âme humaine dans le Christ, ce terme va poser un problème aux Pères de l’Église. Augustin, qui l’avait utilisée, se rétractera et jugera l’expression indigne d’emploi sans en donner les raisons. Athanase, qui utilisait déjà abondamment anthrōpos pour évoquer la nature humaine du Christ, n’était pas concerné par le soupçon d’hérésie, ayant par ailleurs vécu avant le développement du nestorianisme et de l’apollinarisme. L’évêque anglican Archibald Robertson fait ce rappel au tournant du XXe siècle :

Cette utilisation du mot anthropos, s’il est employé de manière négligente, pourrait se prêter à un sens nestorien. Mais Athanase ne l’emploie pas négligemment, ni dans un contexte ambigu. De toute façon, il en a été assez dit pour montrer que son utilisation dans le présent traité n’expose pas son authenticité à la chicanerie.
Source (anglais) : http://mb-soft.com/believe/txuc/athana26.htm « This use of the word anthropos[…]cavil. »

De l’arianisme au nestorianisme en passant par le sabellianisme, l’apollinarisme, et autres courants christologiques : nous voyons là différentes combinaisons des ingrédients Nature de Dieu et Nature de l’homme. Ces « ingrédients » furent proportionnés par des individus dans des tentatives de penser la rencontre extravagante en un seul être de ces deux natures, par des chrétiens qui cherchaient à saisir le mystère du Dieu-Homme/Homme-Dieu Jésus-Christ, à comprendre une nature qui semble être sur le fil du rasoir. La subtilité saisissante de la distinction faite entre Verbe de Dieu et Fils de Dieu, qui apparaît également dans le sillage de l’étude, est un autre témoignage de l’ardeur que mettaient les chrétiens des premiers siècles à comprendre le personnage du Christ.

Les penseurs chrétiens qui avaient le plus de mal à accepter l’impensable mélange nature humaine-nature divine étaient souvent les plus intelligents et érudits en matière de philosophie grecque, de brillants raisonneurs. Le Fils de Dieu ayant été présenté par l’Évangile de Jean comme Logos, les notions philosophiques grecques étaient dès lors impossibles à écarter, si tant est qu’elles eussent pu l’être. Ironiquement c’est aussi l’auteur du quatrième évangile, celui-là même du cadeau empoisonné « Logos », qui par ailleurs est l’évangéliste qui affirme le plus haut la divinité de l’homme Jésus (contrepoison ?) en même temps que son humanité, comme nous allons le voir. Toute la tempête théologique et métaphysique autour de la nature du Christ est en germe dans son oeuvre inspirée.

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Un excellent message

Les investigations intenses et passionnées sur la nature du Christ donnèrent lieu, on l’a vu, à de féroces affrontements. Les uns paraissaient défendre l’« honneur » de Dieu : sa grandeur, sa pureté, sa sainteté, etc. Les autres paraissaient de leur côté avoir entendu un excellent message. Dans cette bataille des premiers siècles du christianisme, on croirait entendre un écho du livre de Job où l’on voit ce dernier défendre sa nature humaine devant Dieu et devant ses amis. Arius, Eunomius, Apollinaire se scandalisaient des paroles d’Athanase, de Didyme ou de Marc l’Ermite : pour eux, pas de mystère d’un Dieu authentiquement homme et d’un homme authentiquement Dieu ! La pensée rationnelle n’y résistait pas ergo la réalité ne le pouvait pas non plus. Les hétéroousiens et les détracteurs de la kénose étaient les descendants d’Éliphaz de Théman, de Bildad de Schuach et de Tsophar de Naama : « L’homme est ici, Dieu est là-bas, on ne mélange pas les torchons et les serviettes. » C’est encore de nos jours la position officielle du judaïsme et de l’islam.

Mais Job persiste à se défendre, il sait qu’il n’est qu’un misérable vermisseau. Et voilà sa conclusion désespérée : il attend son Rédempteur. Ce qu’il obtient au terme du récit biblique est un Dieu qui le voit et lui répond. Et qui le bénit à nouveau dans sa vie terrestre. Merveilleux ! Mais Job n’a pas obtenu l’excellent message. L’aura-t-il deviné dans son évocation d’un rédempteur ? Nous ne savons si, alors, il aurait deviné le rédempteur d’après la Loi ou bien le Kyriakos Anthrōpos.

L’excellent message de Dieu est de toute manière inconcevable. C’est une révélation et un secret : c’est l’inconcevable fraternité entre Dieu et l’homme. Fraternité qui s’origine en ce que Dieu Lui-même a voulu mettre en l’homme. Et homo dominicus Jésus l’a lui-même dit, c’est un message caché aux intelligents (Mt 1125 Lc 1021), c’est-à-dire aux dévots et esclaves du Logos-ratio-nomos*. Pour ceux-là, l’Évangile de Jean ajoute que Jésus-Christ « n’avait pas besoin qu’on lui rendît témoignage d’aucun homme ; car il savait lui-même ce qui était dans l’homme » (Jn 224-25), peut-être l’un des versets les plus stupéfiants des Écritures.

* Logos-ratio-nomos : j’accumule trois termes pour bien séparer cette notion du Christ, qui est aussi appelé le Logos (traduit en français par Verbe ou Parole) par différentes traditions chrétiennes depuis l’évangile de Jean. Par le terme Logos-ratio-nomos je tente de désigner le principe d’intelligence qui préside à l’ordonnancement de la Nature et que l’homme s’est accaparé. La ratio étant la faculté de raisonner, de calculer, de juger, la raison, l’intelligence, etc. et le nomos étant l’ordre, la loi commune, la règle, etc. La notion correspond notamment à l’allégorie de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal.

Les deux partis étaient pareillement dans des tremblements sacrés. Les uns, face à la grandeur de Dieu qui a suscité un personnage exceptionnel et accorde le pardon des fautes ; les autres, face à l’inouï d’un Dieu qui s’est fait homme et qui est plus proche de nous qu’on ne pouvait l’espérer. Mais ce qui était une heureuse annonce de Dieu pour les uns étaient un véritable blasphème pour les autres ou du moins une folie, une stupidité. Comment Dieu peut-il se souiller en revêtant une nature parfaitement humaine ? Pourtant : Il savait lui-même ce qui était dans l’homme. Quoi ? Eh bien la même chose à laquelle Paul compare tous ses mérites humains et les plus prestigieuses lignes de son CV : de la boue. Encore que « boue » ne soit qu’un euphémisme, car l’original grec fait plus précisément référence à une boue très spéciale, d’un genre tout à fait particulier, et qui sent plutôt mauvais – la merde.

C’est pas moi qui l’ai dit ! C’est le texte paulinien. Mais, MAIS... Il y a autre chose. Oui. À côté de la merde, en cohabitation avec elle, se trouve quelque chose d’autre. C’est une chose difficile à entendre car difficile à concevoir, que Dieu cohabite avec la merde, et que l’homme rempli de merde puisse devenir comme Dieu. Cette chose-là, pétrie dans la tourbe humaine, est la potentialité divine. Les dévots du Logos-ratio-nomos eux aussi perçoivent la potentialité divine en l’homme. Ils veulent l’exploiter pour en faire, en collaboration avec leur dieu Logos, une version raisonnable et donc ratée du Kyriakos Anthrōpos. Ils la voient comme un ingrédient manipulable — alors qu’elle est le germe, donné par Dieu et développé en relation avec Dieu, d’une résurrection que seul Dieu peut concrétiser.

Noverim Te, noverim me

« Que je Te connaisse et que je me connaisse », disait Augustin. Dans les premiers siècles du christianisme, il semble que beaucoup entendaient déjà le message du Christ comme évocateur d’un dialogue privilégié avec le Ciel, d’une relation produisant un effet concret sur l’homme : sur sa personnalité, sur sa vie et, in fine, sur sa réalité. Ici, s’appliquer à toujours mieux connaître Dieu nous éclaire sur notre propre condition d’homme. Et dans un tel cas, l’homme qui tourne ses yeux vers les perfections du Ciel finit souvent par prendre conscience de sa propre imperfection mais il peut, en réponse, rencontrer la miséricorde divine à son égard. Telle est souvent la trame de ce premier dialogue.

L’inversion des termes est une proposition moins courante qui chemine plutôt vers une étroite parenté de nature entre Dieu et l’homme, une parenté mystérieuse ou à venir. Prétendre que l’étude de l’homme, noverim me, serait un chemin vers la connaissance de Dieu, noverim Te, que mieux connaître l’homme aiderait à mieux connaître Dieu, n’a pas été une hypothèse souvent osée. Lorsqu’elle est avancée, c’est généralement par des penseurs existentialistes, et c’est également ce qu’affirme Ivsan Otets.

Comme les paléochrétiens, qui controversaient sur les différentes définitions de Dieu dans ses différentes manifestations, l’homme est taraudé par sa propre définition. Le vis-à-vis d’un Dieu qui semble inconnaissable avive cette quête d’identité. La question posée par le Livre de Job est la suivante : l’homme est-il pur ou pas ? entendre « peut-il » être pur ? Plus précisément, l’homme face à Dieu peut-il être pur ? Et cette question s’efforce d’y être posée depuis la perspective de l’homme.

On remarque dans les échanges entre Job et ses amis, que chacun des personnages a une sorte de prescience de Dieu en ce qu’il « prophétise » des propos divins qui seront formulés dans la réponse du Tout-Puissant. Il y a en effet dans chacune des prises de parole une prolepse, c’est-à-dire un morceau du discours que l’on retrouvera plus loin dans la bouche de Dieu. On pourrait presque dire que chacun a la pensée de Dieu, du moins en a un bout ! L’homme a un « bout de divin » en lui, si l’on va au terme de cette idée.

Parallèlement, on y voit aussi s’affronter deux définitions de l’homme, du genre humain. Définition de l’homme et définition de Dieu, dans le Livre de Job, semblent interdépendants. D’où l’acharnement des amis qui défendent la parfaite Séparation. Mais Job a la présence d’esprit de leur répondre : « On dirait que le genre humain c’est vous !», dans la Darby : « Vraiment, vous êtes les seuls hommes ! » Car, bien sûr, les deux ont raison. L’homme, d’une part, n’est jamais pur et d’autre part, il peut être frappé malgré la haute rectitude de sa vie, indépendamment de sa justice personnelle et de ses bonnes actions.

À la vérité, Job cherche une autre définition de Dieu, une définition par laquelle Dieu s’aviserait de cette condition humaine qui écrase le juste, où il « verrait » cette condition, en tiendrait peut-être compte... Bien que le miracle d’une réponse directe de Dieu se produise, le contenu de la réponse nous laisse sur notre faim et l’on se demande en quoi Job a bien parlé de Dieu face à ses amis qui en auraient mal parlé... C’est de Job qu’ils ont plutôt mal parlé ! Jésus-Christ est généralement vu comme ce Rédempteur espéré par Job, comme le Médiateur capable de nous rendre enfin purs face à Dieu. L’une des gloses de Kyriakos Anthrōpos (au point 2) propose que l’expression s’applique à tout homme juste. Et, dans le même ordre d’idée, que Jésus-Christ, de par sa double nature, est la base de l’œuvre des saints qui bâtissent leur sainteté sur ce Modèle, Aide terrestre envoyée par Dieu pour cheminer vers la perfection divine.

Cependant, le Christ n’est pas à nos yeux le précurseur ou le tuteur de la sainteté, mais celui de la résurrection. Plutôt que « J’attends un Rédempteur qui me lavera » et m’aidera enfin à atteindre cette impossible pureté qui me donnera accès à Dieu, nous disons « J’attends un Ressusciteur qui me relèvera ». Il nous libérera de ce corps de mort, non pas à cause de sa non-conformité avec la Loi, mais à cause de ses limitations à notre kyriotēs, à notre Seigneurie !

Dans les Évangiles, Jésus de Nazareth semble participer à ce Noverim me - Noverim Te, bien sûr, parce qu’Il sait ce qu’il y a dans l’homme. Entre autres choses, il nous parle du titre de « maître du sabbat », de ce qui souille l’homme, de l’autorité sur les forces de la nature, etc. Il y a un mélange des genres déconcertant entre les enseignements qui sont de toute évidence à notre portée, comme la compréhension du rapport de l’homme aux Commandements (sabbat, lois rituelles, pardon des fautes), et les exigences surnaturelles que le Christ semble tout aussi bien mettre devant nous comme faisant partie de la même trajectoire.

Commander aux éléments comme lui, le Fils de Dieu, commande aux éléments ? Dans les Écritures c’est en effet le Fils de Dieu qui commande aux éléments et c’est cette nature-là qui s’impose aussi aux forces invisibles telles que les démons (mt 4 · mt 829 · mc 57 · jn 114...). Mais c’est le Fils de l’homme qui est maître du sabbat, maître de la Loi (mt 96 · mt 128 · Lc 65...). Y a-t-il une réflexion à en tirer ? Le Christ explique aux gens ce qu’est être un Kyriakos Anthrōpos : c’est être un homme qui règne sur sa réalité parce qu’il règne sur les Lois de sa réalité ; sur ses systèmes et ses principes. Ainsi, avant de guérir le paralytique, c’est-à-dire avant d’intervenir sur sa réalité physique, le Christ, ostensiblement, lui « pardonne ses péchés » – ce qui signifiait dans le contexte intervenir sur des mécanismes uniquement maîtrisés par Dieu, à ce propos voir la causerie sur le paralytique sur akklesia.eu . Le fils de l’homme, maître des principes, précèderait-il donc le fils de Dieu, maître du réel ?

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Pour amener la réflexion jusqu’à nous, hommes et femmes du début du XXIe siècle, je reprendrai une pensée de Philippe Muray qui observe que de nos jours « l’être humain contemporain en a assez du fardeau de l’humain, c’est-à-dire de tout ce poids de différences et de contradictions qui l’écrasait et le définissait. » Autrement dit l’homme est fatigué d’être un homme. À tel point et depuis déjà si longtemps – un siècle et demi, ou plus ? – que c’en est devenu un poncif.

Face au grand thème actuel de la transformation de l’homme, on serait tenté d’ajouter que celui-ci est fatigué de n’être qu’un homme, c’est-à-dire un être faible et impuissant. Cependant la citation de Muray précise que c’est le poids de différences et de contradictions, poids qu’a porté l’homme pendant des millénaires, qui est désormais violemment rejeté par l’anthropos d’aujourd’hui. Bien sûr, l’avénement des techniques de modification de l’homme, appelées transhumanisme, infléchit encore plus cette fatigue de l’homme face à sa propre nature qui lui devient insupportable, qu’il perçoit comme déficiente, anormale, dangereuse même ; une nature malade d’être naturelle, malade de toutes ses imperfections, réelles ou supposées, et de sa corruptibilité.

Les nouveaux convaincus de l’« imperfection réparable » de l’homme commencent à en vouloir sourdement aux individus qui disent refuser de se faire « rectifier » par la science et les nouvelles technologies en vue d’intégrer la nouvelle ère commune de quiétude hygiéniste et sécuritaire. Le virtuel est de plus en plus présent, la nature humaine de plus en plus attaquée, vilipendée. On exige de transformer l’être humain par toutes sortes de sciences, y compris comportementales. On trouve scandaleux de ne pas l’améliorer, le retoucher, nécessaire d’intervenir sur toutes ses dimensions.

Il s’ensuit que l’homme du XXIe siècle ne cherche plus à se connaître, il veut s’oublier. Il se sent à la fois trop complexe, trop obscur et trop vulnérable. Il veut se désincarner. Il veut être tout sauf un anthropos, ce raté mortel face à Dieu. Homo festivus, l’homme contemporain brossé par Ph. Muray, constitue justement une première mutation de l’homme-anthropos, une nouvelle espèce, une première étape dans la grande mutation finale du genre humain qui verrait ce dernier sortir de l’anthropos. Et de fait Homo festivus quitte le réel avant même de quitter la terre, avant de mourir. Sa marque de fabrique est de nier le réel dans une tentative de mieux le maîtriser par toutes sortes de comportements régressifs d’une irrationalité destructrice.

Kyriakos Anthrōpos est au contraire l’homme qui a toute seigneurie sur toute sa réalité : corporelle, spirituelle, psychique, temporelle, spatiale, etc. Homo dominicus est maître de toute sa maison, de tout son domaine. C’est, pourrait-on dire, l’homme dans son état de suprême seigneurie. Ce pourrait être un synonyme de Fils de l’homme tel que nous l’entendons à Akklésia, c’est-à-dire de cet être qui vient après l’homme au moment de sa résurrection, et non pas, d’après l’exégèse traditionnelle, l’Homme-Dieu né de Marie.

Kyriakos Anthrōpos est littéralement l’homme dominical, l’homme du dimanche : L’ HOMME DU JOUR DU SEIGNEUR. Du jour de sa seigneurie. Et ce jour là n’est pas à confondre avec l’acception judaïque et « logothétique » (conforme au Logos-ratio-nomos) adoptée via Genèse 1, à savoir, celle du septième jour comme jour de repos du Créateur, jour de son retrait dans le néant du sabbat après avoir organisé le chaos avec ses arkhē, à ce propos voir la causerie sur le shabbat sur akklesia.eu . C’est au contraire le jour où l’homme entre en pleine possession et maîtrise de toutes ses dimensions, de tout son potentiel : ce potentiel humain... qui recelait le potentiel divin ! Ce jour-là est non pas une fin mais un commencement, le commencement de sa réalité-vie glorieuse, de son royaume.

L’homme du jour du Seigneur évoque un couronnement, une intronisation. C’est l’entrée dans une nouvelle réalité qui sera une nouvelle étape dans l’être, une mutation de cet être – un peu comme le passage à l’âge adulte mais en plus radical et plus soudain. Tout comme les rédacteurs de la Bible, les Pères qui utilisèrent l’expression Kyriakos Anthrōpos n’ont pas commenté au-delà de ce seuil, au-delà du jour, de l’avènement. Il est de fait impossible de passer de l’autre côté pour décrire le règne inauguré par le Kyriakos Anthrōpos. Comme face à une lumière aveuglante, on ne peut voir au-delà de son intense luminosité.

Homo festivus ne connaît pas Homo dominicus, kyriakos anthrōpos, seigneur de sa réalité tangible – de toute sa réalité : matérielle, spirituelle, psychique, etc. – et il ne veut pas le connaître car il ne veut pas mourir, il refuse la fin naturelle d’anthropos : la mort, porte vers le Kyriakos Anthropos. Sans plus de vis-à-vis avec Dieu et néanmoins tenaillé par le désir d’être libéré des contraintes de la vie incarnée, le futur posthumain s’engage conséquemment dans la voie de garage de l’Éternité. Comment donc l’Incarnation de Dieu pourrait-elle avoir encore un sens aux yeux de l’homme du XXIe siècle, de cet homme fatigué de sa propre incarnation, de cet anthropos crépusculaire en route vers la grande désincarnation de l’ère des machines et du Logos-ratio-nomos triomphant ?

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Le dogme de l’Église

On voit bien que la question de l’Incarnation mise en avant par les chrétiens avait renouvelé les débats sur la nature de Dieu et excité des avalanches de théories, continuellement peaufinées, sur Son identité. Issues d’une région déjà grouillante de traditions religieuses et philosophiques, ces innombrables théories génératrices de partis farouches faisaient l’effet aux occidentaux d’un « ergotage oriental ». C’était en effet un décalage, un déplacement sur le côté de la réflexion qu’auraient pu engendrer les étranges et merveilleux événements de Palestine et leur narration dans les Évangiles. Au lieu de cela, l’Incarnation provoqua des disputes opiniâtres sur la « composition et le fonctionnement » de Dieu selon les Écritures et les premières traditions des assemblées primitives.

L’organisation de l’Église semblait être à ce prix. Les questions autour de la triplicité divine donnèrent lieu entre autre à des conciles, c’est-à-dire des assemblées générales réunissant les sommités chrétiennes à travers les nombreuses régions du vaste Empire romain. En ces temps héroïques, ces réunions demandaient une grande organisation. Fernand Mourret raconte de manière plaisante la préparation et le déroulement épiques du Concile de Nicée, concile qui inaugura la longue guerre contre les ariens négateurs de la divinité de Jésus. Les questions débattues n’étaient certes pas prises à la légère ; elles entraînèrent des morts.

C’est pourquoi il serait injuste de dire que ces débats et batailles multiséculaires ont été du temps perdu. La représentation trinitaire pour figurer le christianisme a pu être utile dans un contexte culturel où il fallait montrer sa foi, en produire un symbole visuel reconnaissable. Cependant les controverses trinitaires ont sûrement fortement comprimé si ce n’est totalement occulté la véritable réflexion sur le Ressuscité, en la maintenant dans les limites du Logos, de la raison logique d’un Démiurge rédempteur équilibré.

La divinité de l’homme est une révélation qui ne peut être institutionnalisée, qui ne peut se transmettre à travers les siècles dans une construction collective, car elle est un secret de l’existant. La réalité terrestre a besoin du trépied du Logos – non pas ici le Verbe, Fils de Dieu et Parole inspirée tel qu’il fut hélas assimilé au Logos platonicien par l’école johannique, mais le Logos en tant que logique rationnelle organisatrice et stabilisatrice – le « Logos-ratio-nomos ». Dans cette réalité, c’est l’homme existant qui claudique car il ne peut marcher avec toute son assurance de futur Homo Dominicus et il sait en même temps qu’il n’est pas un animal. Il sait par ailleurs que ce même Logos qui le contient et l’aide à vivre, curieusement, lui fait également face comme une réalité étrangère.

La vraie question posée par le Dieu chrétien, nous semble-t-il à Akklésia, est « À quoi sert l’Incarnation ? » Cette question permet d’avancer que l’incarnation de Dieu – qui finit dans sa mort et sa résurrection – nous autorise nous, hommes et femmes, à espérer « finir » comme lui, nous donne la foi d’avoir le même destin que Dieu ! Les dieux grecs octroyaient parfois à l’homme une part de leur nature, mais ils mettaient un prix à ce don. Ils étaient très jaloux de leur condition de dieux et le destin des demi-dieux était peu souvent enviable. La trajectoire du Christ, donc de Dieu incarné, permet l’identification de l’homme à la résurrection et à la vie divine. Reformulons : l’Incarnation donne à l’homme d’attendre et de tendre vers la nature divine qui lui est promise et qui l’attend après sa mort.

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Basile le Grand déclara avec justesse qu’on ne peut pas tout comprendre du mystère de Dieu. Cependant il a fallu souligner la spécificité de la foi chrétienne — à savoir que le Christ est à la fois homme et Dieu. La décision doctrinaire reflète finalement une certaine sagesse car elle fixe un contour de la foi qui s’appuie sur l’école johannique (Évangile et épîtres de Jean), affirmant haut et fort l’incarnation de Dieu et partant la divinité « complète » de Jésus de Nazareth.

La lutte acharnée des ariens contre les nicéens ne fut pas seulement une querelle de clocher ou de pouvoir mais elle impliquait, dans sa bataille doctrinaire sur la personne de Dieu, de s’entendre sur un point capital : Dieu s’est-il réellement fait homme ? Les partisans de la consubstantialité, le parti vainqueur de l’homoousios, ont réussi à sauver l’essentiel face à la logique naturaliste arienne qui a failli s’imposer : ils ont sauvé l’idée du mystère de l’incarnation divine. C’est en effet la différence majeure du christianisme face aux principales autres religions. Et c’est, en dehors de tout cadre ecclésial, le propos de Dieu – le Dieu-homme – et du Nazaréen Jésus, l’homme-Dieu.

Plus que du mystère des relations entre différents « aspects de Dieu » dérivés du contenu des Écritures, c’est bien du mystère de la proximité entre Dieu et l’homme que le christianisme veut parler.

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➻ La divinité du Christ, par Ivsan Otets
➻ La Trinité, par Ivsan Otets

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