La lanterne d’Akklésia
ENTRÉE DU FORUM
2012

N’abandonnons pas notre assemblée

1er intervenant
« Heb 10:25 N’abandonnons pas notre assemblée, comme c’est la coutume de quelques-uns ; mais exhortons-nous réciproquement, et cela d’autant plus que vous voyez s’approcher le jour. »
Je suis très content d’être ici parce que je ne vais pas à une église. Souvent des pasteurs utilisent le verset dessus afin de dire que c’est un pêché de n’aller pas à l’église. Franchement ces pasteurs sont ignorants ou menteurs, parce que le mot pour “assemblée” dans ce verset est “episunagoge” qui s’applique à la réunion avec le Seigneur à Son avènement. Le mot est utilisé juste deux fois dans le NT, l’autre étant dans 2 Thessaloniciens 2 :
1 Pour ce qui concerne l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ et notre réunion avec lui, nous vous prions, frères.
Le bon mot pour “assemblée” est “ekklesia”, donc le verset dans Hébreux n’a aucun rapport avec ceci mais parle du jour du Seigneur, comme la deuxième partie du verset montre, “cela d’autant plus que vous voyez s’approcher le jour.”

Akklésia · Ivsan Otets
1er intervenant a écrit : Le bon mot pour “assemblée” est “ekklesia”, donc le verset dans Hébreux n’a aucun rapport avec ceci mais parle du jour du Seigneur, comme la deuxième partie du verset le montre, “cela d’autant plus que vous voyez s’approcher le jour.”

Excellent ! Le concept de fraternité dans le NT est essentiellement porté et tendu vers ce Jour précisément, soit donc, vers la Résurrection. Tout le contraire de l’église traditionnelle qui est toute portée vers l’idée de « changer le monde » tandis qu’il s’agit de « changer de monde ». C’est pourquoi l’idée de s’assembler se meurt dans l’attente du monde-à-venir, ou, dira Karl Barth : « l’Église est jugée par le royaume de Dieu », car, rajoute-t-il : « La caractéristique ineffaçable et essentielle de l’Église, c’est qu’elle est l’Église sous la croix. Là où elle n’est pas l’Église sous la croix, elle n’est pas l’Église. »

De plus, il est bon de rappeler que les nombreux mots français tels que : assemblée, congrégation, communauté, collectivité…, que nous trouvons à maintes reprises dans l’AT, sont en réalité issus de 2 termes hébreux dans le texte d’origine, et à proportion quasi égale.

— L’un de ces termes permit de construire le mot synagogue, c’est le edah hébreu d’origine, et que la septante grecque rendit par sunagôgê.

— L’autre fut utilisé pour créer le mot église, c’est le qahal hébreu d’origine, et que la septante grecque rendit par ekklêsia.

En distinguant « synagogue » et « église », on a donc séparé 2 termes qui dans l’hébreu ne sont pas distincts, mais parfaitement interchangeables ! Église (qahal) et Synagogue (edah) désignent la même chose dans l’AT : un groupe théocratique, un état politique divin. Un groupe qui attend un âge d’or sur terre avec la venue d’un Roi-messie. C’est ainsi qu’est conçu le messianisme, tant dans la synagogue que dans l’église chrétienne : il est tendu vers un ici-bas meilleur et parfait. L’Église chrétienne et la synagogue sont devenues finalement les 2 faces d’une même pièce. Et si l’une parle du Nazaréen comme du messie tandis que l’autre l’attend, les deux le conçoivent comme ayant le même rôle et la même finalité : un rôle somme toute très humain et mondain puisqu’il s'agit de transformer le monde en le moralisant — non de le crucifier pour le ressusciter.

Le Christ a donc totalement bouleversé ce concept en montrant qu’il n’y aura pas d’âge d’or, et que l’ici-bas messianique est en vérité celui de la foi en un dieu caché et en sa promesse ; un dieu qui ne se révélera qu’avec la résurrection. Pour ce blasphème, il fut crucifié ! Enfin, le Christ n’utilisa jamais le mot « ekklesia » puisqu’il parlait probablement en araméen. On ne sait donc pas quel vocable il employa. Peut-être edah, peut-être qahal (qehilah en araméen), peut-être un autre terme. On ne saura jamais. De plus, le mot « ekklesia » n’est employé que 2 fois dans les évangiles, et en plus dans un seul évangile sur 4.

• Dans le premier cas il est employé dans un contexte très juif, dans un cadre plutôt et théocratique et juridique de l’assemblée juive : « 2 ou 3 témoins (frères) pour régler un différend juridique » et « que celui qui n’écoute pas soit considéré tel un païen » (mat 18). L’évangile ne distingue pourtant plus Juifs, Grecs ou Esquimaux, et même pas femmes et hommes. De plus il reconnaît à l’État (même non chrétien) une autorité légale dans la justice à rendre entre les hommes. Le Christ a donc aboli l’idée d’une politique théocratique et d’une nation élue qui soit régie par des lois dites « spirituelles ». Il laisse entendre un droit à la laïcité pour ce qui concerne les affaires du monde présent : la séparation du spirituel et du politique. Cet emploi du mot « église » n’est donc pas là une référence au christianisme à venir de la part de Christ, mais un discours adressé au judaïsme. Nous savons en effet que le Christ a eu un discours sur la torâ comme préambule à son discours essentiel : celui de la foi seule puis celui du Royaume des cieux. Paul le reprend d’ailleurs intelligemment, en montrant qu’il y a des tribunaux humains d’une part et la fraternité de l’autre ; se désolant quand il voit que la fraternité a recours aux tribunaux en ne sachant pas discerner ce qui est juste.

• Une seule fois le Nazaréen fait mention du futur christianisme par le mot « église » : dans le fameux Matthieu 16. Le Christ n’évoque donc qu’une fois le sujet — c’est significatif ! Cette unique mention qu’il fait de la « sainte église » frôle le mépris. D’ailleurs il y a beaucoup à dire sur ce passage. En effet, l’échange qui suit entre le Christ et Pierre prophétise la subversion du christianisme — par l’église précisément ! À l’instant même où, dit le Christ, elle devient satanique ; lorsque Pierre exige de Dieu que le Christ ne soit pas crucifié. Soit donc, lorsque l’Église exige de Dieu de ne pas mourir, c’est-à-dire de ne pas naître à la résurrection.

Bref, le « n'abandonnons pas notre assemblée » serait mieux rendu par : « Ne cessez pas d’espérer en la résurrection et de vous y encourager les uns les autres ». Il n’est pas question du tout de cette fumeuse sacralisation de l’église dont menacent les pasteurs pour leur propre malheur. Et d’ailleurs, que faisons-nous, en ce moment, sinon de nous encourager ? Ensemble et pourtant sans église !

2e intervenant
Bonjour, écrire : « Bref, le “n’abandonnons pas notre assemblée” serait mieux rendu par : “Ne cessez pas d’espérer en la résurrection et de vous y encourager les uns les autres” ».
Cela est évidemment erroné. Cela ne veut pas dire qu’il faut adhérer à un système chrétien.

Akklésia · Ivsan Otets

2e intervenant, comme le fait remarquer plus haut 1er intervenant (je t’encourage à lire), ce n’est pas erroné de prétendre que l’intention de l’auteur était d’encourager à « ne pas abandonner l’espérance de la résurrection » — le Jour du Seigneur dans le langage religieux — et à ne pas cesser de s’encourager les uns les autres à y persévérer.

Ce qui est par contre erroné, c’est lorsque le théologien sacralise l’Église, puis, ensuite, se sert de ce texte comme prétexte en le sortant de son contexte, ainsi qu’en le traduisant pour servir son dogme, et enfin affirmer : « Hors de l’Église, pas de salut ». Ou encore : « Si tu ne crois pas que la masse, ou que tel groupe assemblé est littéralement le corps du Christ, tu es anathème. »

Et cela est d’autant plus erroné que dès l’instant où l’on affirme que 2 hommes, 3 hommes, tout comme 100 hommes ou 10.000 hommes forment un Corps, c’est d’un système dont on parle. Qu’il soit petit ou grand, c’est un système ! La famille est en cela un système religieux : le premier et le plus primaire. C’est la raison pour laquelle la Loi tient tant à la voir unie à jamais et jette l’anathème sur sa séparation. Chose devant laquelle le Christ ne prit aucune pincette : « Si quelqu’un vient à moi, et s’il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, et ses soeurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. »

Pourquoi use-t-il d’une telle liberté pour ce que la Loi considère comme un serment inviolable ?

Parce que « l’espèce humaine est précisément la catégorie de la perdition, et le salut est précisément la sortie de l’espèce » (kierkegaard). Entendons par « espèce », ce lien immuable qui unit un homme à une catégorie, donc à un groupe, un peuple, une famille… c’est-à-dire à un système. Or, le Christ venant, tout est renversé et il bouleverse tout ; il jette un feu sur la terre, disant : « Dès qu’il y a foule, Dieu devient invisible. Et cette foule toute puissante peut bien aller se casser le nez à sa porte, elle ne va pas plus loin, car Dieu n’existe que pour l’individu. C’est là sa souveraineté. » (kierkegaard)

À son niveau, Job l’avait compris, et il n’hésita pas à briser l’union sacrée avec sa femme qui lui demandait de maudire Dieu. Il se retrouva alors totalement seul — seul, mais avec Dieu ! Il brisa donc un système religieux, le plus primaire, celui de la famille, et il trouva Dieu. De même le chrétien doit briser le dogme du Corpus Christi, car il est en lui-même un système, qu’il soit constitué de 3 hommes ou de 3 millions, peu importe, le dogme, une fois né, ne cessera de grossir tel un animal qui veut manger plus qu’il ne peut.

Ainsi donc, en brisant de dogme, le chrétien trouvera une plus grande intimité avec le Christ, sans pour autant perdre la fraternité — car de tels frères, qui, tel Kierkegaard, considèrent la foi comme Existentielle, de tels frères existent et ont toujours existé ; et quand ils n’existeront plus, peut-être qu’il sera temps pour le Christ de dire : « Est-ce que je vais trouver la foi sur la terre ? » — D’ailleurs, ne l’entendez-vous pas déjà le dire ?

2e intervenant
Ivsan
Il est en effet erroné pour ce théologien d’écrire :
« c’est lorsque le théologien sacralise l’Église, puis, ensuite, se sert de ce texte comme prétexte en le sortant de son contexte, ainsi qu’en le traduisant pour servir son dogme, et enfin affirmer : “Hors de l’Église, pas de salut”. Ou encore : “Si tu ne crois pas que la masse, ou que le tel groupe assemblé est littéralement le corps du Christ, tu es anathème.” »
Je suis d’accord avec toi : le corps de Christ, c’est l’ensemble des chrétiens, où qu’ils soient, et unis ensemble dans une même foi et un même Esprit. Il est possible, même en ces temps de ruine, de se réunir simplement à quelques uns autour du Seigneur pour proclamer cela.

Akklésia · Ivsan Otets

S’il est un salut hors de l’église, comment l’église est-elle sacrée ? Elle ne l’est pas en vérité, c’est l’homme qui l’est ! On ne peut sacraliser l’un et l’autre, car obligatoirement on ampute la liberté de l’homme qui se voit partagé entre deux sacrés : lui et la communauté immuable.

Par contre, si l’homme de foi seul est le sacré, il conserve toute sa liberté vis-à-vis du groupe, mais sans perdre pourtant la fraternité. Au contraire, il l’embellit par sa liberté. Et parce que ses rencontres avec l’autre ou les autres qui partagent la même espérance que lui n’est précisément pas une obligation, ces rencontres portent en elles la véritable passion ; celle qui manque précisément dès lors où assister aux messes et aux cultes est sous-tendu par l’obligation. Le lien fraternel est dès lors incommensurablement plus solide.

Car il suffit que deux ou trois se rencontrent au nom du christ pour que ce dernier y voie une fraternité. En outre, dieu ne leur impose pas de se lier ici-bas à jamais les uns aux autres comme si leur rencontre était le lieu de Son habitation ; lieu qu’il ne faudrait absolument pas toucher au nom de la sacralisation du groupe.

Dieu peut fort bien les éloigner les uns des autres pour diverses raisons. La fraternité est un va-et-vient, car l’esprit souffle où il veut et on ne sait si aujourd’hui il sera là où hier il était. On ne sait si demain il fera ce qu’hier il faisait. Il en est d’ailleurs ainsi de l’amitié ou de l’amour humain, il n’a d'abord pas de règles précises, mais suit son propre élan. Et dès lors où l’amour, par exemple, s’enferme dans le mariage et se sacralise, il s’embourgeoise et meurt à petit feu. Si les amants mariés ne savent pas sans cesse retourner au feu et à la folie de leur premier amour, il est certain que leur amour s’éteindra.

Il convient donc seulement à l’homme de foi de garder en lui l’Esprit qui l’inspire à le suivre, qui le défie à briser les déterminismes et les mécanismes « spirituels » humains, ceux-là mêmes qui affirment à propos de l’Esprit : « Il ne souffle pas où il veut et quand il veut, mais le dimanche de telle heure à telle heure, le mercredi de telle heure à telle heure, et à telle date du calendrier que l’église établit pour convoquer le christ qui doit lui obéir, puisqu’elle est son corps. »

2e intervenant
Ivsan
Même si certains pasteurs font une application indue d’Hébreux 1025 « n’abandonnant pas le rassemblement de nous-mêmes », en affirmant qu’il ne faut pas quitter leur Eglise, ce n’est pas une raison pour forcer ce verset en lui donnant un autre sens qu’il n’a pas. Il est toujours possible de se rassembler simplement autour du Seigneur, dans un sentiment de faiblesse et en ayant conscience de la ruine de l’Eglise.

Quant à la résurrection, le chrétien est d’ores et déjà en position spirituelle de ressuscité avec le Christ (Ephésiens 25-6 ou Colossiens 31). Nous le serons effectivement un jour prochain (1 Thessaloniciens 413-18).
L’Eglise (c’est-à-dire l’ensemble des chrétiens) est bien un corps. Il est erroné d’en avoir fait un ou des systèmes constitués, notamment dans le cadre du catholicisme.
Je pense que tu n’as pas idée de ce que peut-être un rassemblement sincère autour du Seigneur, en séparation morale avec les systèmes chrétiens.

2e intervenant
Ivsan, tu as écrit :
« S’il est un salut hors de l’église, comment l’église est-elle sacrée ? »
Hors de l’Eglise point de salut disaient jadis les catholiques. Je reprendrais plutôt Actes 4, 12 : « il n’y a de salut en aucun autre [que Jésus] ; car aussi il n’y a point d’autre nom sous le ciel, qui soit donné parmi les hommes, par lequel il nous faille être sauvés.
Quant à exprimer que l’Eglise est sacrée, ou que l’homme est sacré, je ne comprends pas ce que cela peut vouloir signifier.
« Et parce que ses rencontres avec l’autre ou les autres qui partagent la même espérance que lui n’est précisément pas une obligation, ces rencontres portent en elles la véritable passion »
Les réunions d’assemblée ne doivent en aucun cas être une obligation, mais un acte de franche volonté. Ainsi, notamment le Père cherche des adorateurs qui l’adorent en esprit et en vérité : il n’en exige pas.
« Car il suffit que deux ou trois se rencontrent au nom du christ pour que ce dernier y voie une fraternité ».
Une fraternité sans doute : le Seigneur les regarde et les entend. Mais pour qu’il soit présent au milieu d’eux, il faut agir conformément à la volonté de Dieu.
« En outre, Dieu ne leur impose pas de se lier ici-bas à jamais les uns aux autres comme si leur rencontre était le lieu de Son habitation ».
Le local où l’on se réunit ne doit pas être considéré comme sacré. Mais dans une localité donnée, l’assemblée doit apporter un témoignage. Les réunions doivent donc être marquées par une certaine continuité et ne sauraient donc pas être de simples rencontres conjoncturelles.

Akklésia · Ivsan Otets
2e intervenant a écrit : Quant à exprimer que l’Eglise est sacrée, ou que l’homme est sacré, je ne comprends pas ce que cela peut vouloir signifier.

Ce qui est « sacré » c’est ce pour quoi le Christ donne sa vie. Or, il ne la donne que pour l’homme.

2e intervenant a écrit : Le local où l’on se réunit ne doit pas être considéré comme sacré. Mais dans une localité donnée, l’assemblée doit apporter un témoignage. Les réunions doivent donc être marquées par une certaine continuité et ne sauraient donc pas être de simples rencontres conjoncturelles.

Ha bon ! parce que sans cela Dieu est coincé ? S’il n’a pas une vitrine que l’homme lui fabrique, nous l’appauvrissons puisqu’il serait sans témoignage ? Vanité ! Les clubs de pétanque ou les grandes surfaces aussi ont une continuité et ne sont pas conjoncturelles ; il en est de même pour la prostitution je suppose et les vendeurs de cocaïne… C’est la raison pour laquelle toutes ces structures ont besoin d’une bonne publicité : quand on manque d’esprit, on fait appel au corps !

Pour ce que me concerne, ainsi que toi gerard, nous continuons à vivre 24h sur 24 et pourtant nous sommes en partie des êtres contingents puisque nous n’avons aucune certitude que le jour d’après sera la copie conforme du précédent. Et pourtant, Dieu sait toujours où nous sommes et toujours où nous trouver. Car il me semble que c’est bien lui qui fait tout commencer et tout finir ; et non pas moi. Aussi, si mon voisin frappe à ma porte pour m’emprunter ma perceuse, qui sait s’il me trouvera ou si je pourrai lui prêter. Et si je ne suis pas là, il ira probablement chez le marchand en louer une, celui-là même qui déposa dans sa boîte un prospectus publicitaire, laissé là, avec celui de l’église du quartier annonçant sa soirée de cantiques.

En revanche, si Celui qui souffle où il veut, quand il veut et comme il veut décide de conduire à ma porte un Japonais pour m’entretenir de l’Évangile, il est certain que je serai là ! Je ne sais comment, mais je serai là, bien que n’ayant aucune vitrine derrière laquelle je fais le lézard, fredonnant des « bénis sois-tu » en veux-tu en voilà. Toutefois, lorsque disparaîtront de tels hommes, que restera-t-il à Dieu ? Les horaires bien définis des lieux de vitrines ecclésiastiques ? Des horaires en dehors desquels la porte est close, obligeant Dieu à faire le planton avec son Japonais. Qui sait donc si le divin, bien que patient, y aura finalement recours, car, nous le savons, « il n’a pas besoin de l’homme pour rendre témoignage de lui », aussi nous fait-il encore une fleur en nous accordant cela — nous sommes inutiles, parfaitement inutiles… mais au moins, soyons-le 24h sur 24 et non aux maigres horaires ecclésiastiques !

2e intervenant
Bonjour ivsan,
On ne peut pas dire que tes messages sarcastiques manifestent clairement l’affection fraternelle. Ayons des paroles de grâce, même si elles sont assaisonnées de sel.
La vie d’assemblée, au niveau local, ce ne sont pas seulement, loin de là, les réunions d’assemblée, mais aussi la vie quotidienne, et notamment le témoignage que l’on est exhorté à rendre aux personnes extérieures.
Quant aux réunions d’assemblées, elles doivent être simples, non formelles, sans ostentation et dépendre en tout de l’Esprit. Mais il faut bien déterminer un lieu de rendez-vous et des heures de réunions. Par ailleurs, il doit pouvoir y avoir une discipline d’assemblée. C’est pourquoi les réunions locales ne peuvent pas simplement être des rencontres circonstancielles, même si ces dernières peuvent avoir leur place.
Cette vie d’assemblée devrait se poursuivre jusqu’au retour du Seigneur pour enlever l’Eglise (l’Assemblée) et l’emmener dans la maison du Père.
En bref, je crois que tu es encore marqué, même si tu cherches à t’en abstraire, par les errements des systèmes religieux chrétiens. Je peux très bien comprendre cela. Mais « il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ».
Affectueusement en Christ, le Chef de l’Eglise.

intervenant
[intervention manquante]

Akklésia · Ivsan Otets
2e intervenant a écrit : On ne peut pas dire que tes messages sarcastiques manifestent clairement l’affection fraternelle. Ayons des paroles de grâce, même si elles sont assaisonnées de sel. […] Cette vie d’assemblée devrait se poursuivre jusqu’au retour du Seigneur pour enlever l’Eglise (l’Assemblée) et l’emmener dans la maison du Père. — En bref, je crois que tu es encore marqué, même si tu cherches à t’en abstraire, par les errements des systèmes religieux chrétiens. Je peux très bien comprendre cela. Mais « il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ». Affectueusement en Christ, le Chef de l’Eglise.

L’affection fraternelle c’est peut-être de passer 3 heures à te répondre quand tu y passes 1/4 d’heure. Maintenant, si ma manière franche et directe est pour toi traduite en du sarcasme, sache que je ne t’imiterai pas, je ne te mettrai pas sur un divan de psychanalyse pour entrer dans l’intimité de ton âme et « soupçonner » tes intentions. Si tu manques de force, cela n’est pas mon problème, et si ce manque te porte à me trouver une poutre, cela aussi est ton problème.

Peut-être suis-je, de mon côté, gêné par le ton doucereux que tu as ; peut-être que je le trouve hypocrite à mon égard ; peut-être qu’un peu plus de pugnacité bien placée me semblerait plus franc et finalement plus respectueux. Et si c'était le cas, je m’abstiendrais de te le dire. Car je réponds à des idées et ne désire pas voir en l’autre mon image. En outre, je me donne comme limite une seule chose : ne pas entrer dans l’âme de mon prochain, dans son intériorité. On peut frapper à la porte, mais ne jamais la forcer.

L’argument ad hominem est le pire de tous. Je te dis cela, à contre cœur, en voyant, semble-t-il que tu fais un effort que je respecte, mais tu m’accuses pour la deux ou troisième fois, et cette fois « d’errements ». Pourquoi ? Qui te dit donc si tu ne erres pas plus que moi ? Et qui le sait sinon Celui par qui tu me salues affectueusement après m’avoir ainsi soupçonné d’être perdu. Tu me pousses à te faire cette remarque, tandis que je ne veux pas entrer sur ce terrain, mais tu sembles si désireux que je te ressemble, qu’il me semble important que tu reviennes à la discussion. Pour le reste, si tu veux boire un bon thé, ma porte est ouverte et je te recevrai avec la meilleure des hospitalités : tel le fils d’un roi.

1er intervenant… « le secret messianique » ! Permets-moi, frérot, d’user, un de ces jours, de cette formule. J’aime beaucoup.

3e intervenant
J’entrevois 3 types de chrétiens individuels “sans Eglise” ou “sans Eglise fixe” ou “hors Eglise” :
1) le chrétien anonyme signalé par Karl RAHNER s.j. ;
2) le chrétien hostile devant les Eglises institutionnelles...
a) pour des raisons pathologiques (Ex. : Sœren KIERKEGAARD) ;
ou
b) pour s’être laissé persuader, étant influençable de nature, par l’une de ces nouvelles Eglises néochrétiennes viscéralement anti-Eglise(s) ;
3) le chrétien membre d’une église institutionnelle comme l’Eglise romaine, qui
a) pratique épisodiquement et n’a que des liens très lâches avec cette Eglise ;
ou
b) pratique régulièrement, se plie aux rites (gestes et et paroles), écoute mais sans vraiment approuver et gère à sa façon sa foi et sa relation à Dieu dans le secret de son alcôve.
Des chrétiens du type 3)b), il y en a des millions ! Ce sont des chrétiens en Eglise qui cultivent leur foi indépendamment des doctrines de leur Eglise de rattachement.

3e intervenant
Si Jésus n’a pas souhaité que ceux qui ont foi en lui formassent une Eglise, son Eglise (l’Eglise du Christ dont parle Paul), qu’a-t-il souhaité que les hommes fissent ?

3e intervenant
Ach, les Écritures !
Deux preuves que les premières communautés chrétiennes ont tout mis en oeuvre pour imposer leurs christologies particulières :
1) elles ont produit les 4 évangiles dans lesquels elles ont savamment codifié leur profession de foi - et révisé les épitres pauliniennes (!) ;
2) elles n’ont pas reproduit, recopié les logia dont le support était un matériau périssable : la papier russe (oh ! pardon : le papyrus) qui ont donc disparu à jamais. A moins qu’un jour, dans les sables secs d’Egypte, une antique sépulture chrétienne en recèle une, que l’on retrouve dans une urne. Ce sont ces chrétiens qui ont laissé disparaître ces précieux outils de travail, cette base documentaire : ce ne sont pas leurs ennemis d’alors (rabbins, pharisiens, Romains...) qui les ont détruits pour qu’ils ne nous parviennent pas.

2e intervenant
Bonjour 1er intervenant, tu as écrit :
lorsque Jésus intimait à ses disciples de ne répéter à personne qu’il était le Christ, [...] il protège son secret messianique pour éviter les mauvaises interprétations à son sujet.
En effet, cela s’est produit assez rapidement dans la chrétienté, ce qui est à déplorer. Mais Dieu est le même hier, aujourd’hui et éternellement. Et il y aura toujours un résidu fidèle, même faible, qui respectera Sa volonté. En d’autres termes un témoignage non seulement individuel, mais aussi collectif est toujours possible, et approuvé par Dieu.
Cela est dû au constat qu’il faisait (sans surprise), que son peuple Israël le rejetait, les chemins n’ayant pas été aplanis, et les œuvres des incrédules étant mauvaises.

Bonjour ivsan, tu as écrit :
tu me salues affectueusement après m’avoir ainsi soupçonné d’être perdu.
Je ne t’ai jamais soupçonné d’être perdu. Je dis simplement que tu te trompes au sujet de l’Eglise. Cela est une perte pour toi, mais ne remets pas en cause ton salut éternel dès lors que tu es chrétien.

Bonjour 3e intervenant, tu as écrit :
Deux preuves que les premières communautés chrétiennes ont tout mis en oeuvre pour imposer leurs christologies particulières :
1) elles ont produit les 4 évangiles dans lesquels elles ont savamment codifié leur profession de foi - et révisé les épitres pauliniennes (!) ;
2) elles n’ont pas reproduit, recopié les logia dont le support était un matériau périssable

Je pense que cela est un pur procès d’intention de ta part à leur égard. Les évangiles sont des descriptions de la vie et du ministère du Christ, et ne sont pas à proprement parler des professions de foi. Je ne vois pas en quoi les épîtres pauliniennes auraient été révisées. Il n’y avait pas à cette époque de théories sur le temps de conservation des supports écrits ; cela dit on dispose de plus de 5000 sources très anciennes, qui se corroborent mutuellement. Le NT n’a donc pas plus que l’AT été frelaté.

Akklésia · Ivsan Otets
3eintervenant a écrit : J’entrevois 3 types de chrétiens individuels, etc.

Dans la tradition intellectualiste, il semble que vous aimiez les entités Michel. Pour ce qui me concerne, lorsqu’on commence à expliquer l’homme en faisant des catégories et des listes — je fuis à toutes jambes. Ah ! si la chose était si simple. Je conçois en outre qu’on puisse avoir recours aux listes et aux catégories quand on est cuisinier ou homme politique ; les poireaux ne sont pas des endives : le « petit a) du grand 1) » se doit d’avoir des privilèges différents du « petit b) du grand 3) », etc.

Si l’on considère attentivement l’esprit dans lequel le Christ parlait, il s’avère qu’en vérité tout chrétien est anonyme — à ce propos, je suis d’accord avec Stéphane concernant le terme « chrétien ». Le fait donc de quitter une identification visible du christianisme pour entrer dans l’anonymat est somme toute le chemin normal de la foi. L’incognito est la plus haute révélation de Dieu ici-bas d’ailleurs. Maintenant, comme tout exode, l’entrée dans cet incognito est souvent douloureuse, et elle est souvent précédée par des expériences difficiles ; on n’ouvre pas les yeux à la vérité la fleur au fusil, et la chute de nos certitudes est assurément un déchirement. Maintenant, s’il vous plaît d’appeler cela « une raison pathologique », comme vous le faites pour Kierkegaard, il s’ensuit que les maternités sont remplies de cas pathologiques. Qu’est-ce que la naissance, sinon l’exode du confort amniotique et l’entrée dans sa liberté — aussi l’enfant crie-t-il dès son premier souffle ! Mais pourtant, tous ne deviendront pas ensuite des cas pathologiques en réalisant que leur mère n’est pas leur vie. Je suppose que tel est bien votre cas d’ailleurs. Le chemin d’un homme est bien plus subtil que cette préhistorique manière qu’ont les « intelligents » à l’expliquer par les catégories, et l’expliquer ainsi, est, soit de la fainéantise, soit un manque de cartouches.

« Si Jésus n’a pas souhaité que ceux qui ont foi en lui formassent une Eglise […] qu’a-t-il souhaité que les hommes fissent ? », dites-vous. La première réflexion qui me vient à l’esprit devant votre question est : qu’est-ce que ça peut bien vous faire ? Oui, pourquoi donc cherchez-vous à connaître ce qu’étaient Ses intentions ? Je dis cela, parce qu’étant donné que vous posez votre question au passé, elle me semble d’emblée évacuer l’éventualité qu’elle puisse être posée au présent. En effet, le fait de la poser au présent changerait tout : « Si Jésus ne souhaite pas que ceux qui ont foi en lui forment une Église, que souhaite-t-il donc qu’ils fassent ? » En ce cas, je répondrai que je le sais, peut-être, pour moi, jour après jour… mais que je ne le sais pas pour l’autre. Malheur aux prophète-devins ! Car s’il faut remplacer l’église par une autorité « gourouïsante » personnelle, autant rester dans l’église ; il y a là-bas tout ce qu’il faut ! Que celui qui sort le fasse parce qu’il entend le murmure, et s’il l’entend, il est alors assez grand pour ne plus chercher un conducteur pour son âme ; le murmure n’est-il pas en lui ? Maintenant, s’il sort par vengeance, ou pour imiter untel… ou je ne sais quoi encore — qu’il prenne garde à lui, car il sort en son propre nom.

Enfin, concernant votre remarque sur l’Écriture, elle frôle la légèreté. La bible est le texte le plus préservé de l’antiquité, bien que cette préservation, en effet, ne la laisse pas sans anomalies, retouches et réécritures ; cela nécessitant donc de l’étudier sans préjugés ; et, au préalable d’y trouver une spiritualité, avec un souci scientifique. Si nous avions sur Socrate, les empires mésopotamiens, ou César, ne serait-ce que le dixième de ce que nous avons sur la Bible, nous vivrions probablement la plus grande révolution historique jamais imaginée : un véritable tsunami s’abattrait sur l’humanité. Le Moyen-âge, lui-même, bien que plus proche, connut déjà ce genre de tornade tant les historiens l’avaient étudié n’importe comment.

Nul n’ignore que les philosophes, les scientifiques et les chroniqueurs politiques ont tous usé de la malhonnêteté dont vous accusez le christianisme, comme s’il était l’unique, et comme s’il avait le monopole de telles pratiques scripturaires. C’est d’un ridicule de dire cela ! Avant de regarder la paille dans l’œil du texte chrétien, que l’historien ôte donc les poutres de ses vérités historiques. Ne sera-t-il pas écrasé par elles ? Car il est certain qu’ils nous font gober de véritables mensonges historiques, parfois même à deux pas dans notre dos !

Malgré l’érosion naturelle des siècles, et les erreurs que vous soulevez, nous avons cependant un texte remarquable d’authenticité. De plus, les découvertes de ces deux derniers siècles, avec la critique textuelle, permettent d’y voir encore plus clair. Ce qui pose problème n’est pas tant le texte, mais ses lecteurs. Ce qui pose le plus grand problème, c’est la sacralisation du texte ; mais le texte en lui-même est riche, puissant, et il cache une vérité nulle part ailleurs exprimée ainsi. Car étant rédigé au travers de tant d’auteurs et d’époques disparates, il en devient son propre critique. En terme juridique nous pourrions dire de lui qu’il a dans son ensemble tant « d’éléments concordants » que la question du Christ reste plus forte à mesure qu’elle n’est pas résolue. Pour une preuve discordante du texte s’en trouvent dix concordantes ; mais celle qui a ma préférence est celle par laquelle le Christ n’écrivit jamais autrement que sur le sable, c’est-à-dire pour que l’écrit passe.

Le texte biblique a en lui une pensée anarchiste ; il prêche une a-vérité, une a-théologie ; le texte dit qu’il n’existe pas de commencement et de fin dans ses lignes, que l’extraction d’une théorie close ou d’un dogme définitif consiste précisément à le trahir. Le commencement et la fin, dit le texte, c’est l’homme, le « Je suis » : « Je suis l’alpha et l’oméga ». Autrement dit, la bible est un livre que tout lecteur inspiré ne cesse de brûler, d’interpréter puis de réinterpréter sur le chemin de sa vie. D’ailleurs, disait lui-même Paul, « les langues cesseront et la connaissance disparaîtra » ; la bible, ses dogmes et ses églises ne survivront pas aux fils des hommes, eux qui ont appris de l’Esprit du texte que tout commence par eux et que tout finit par eux — qu’il n'est pas d’encre indélébile devant leurs volontés.

Akklésia · Ivsan Otets
2e intervenant a écrit : Je ne t’ai jamais soupçonné d’être perdu. Je dis simplement que tu te trompes au sujet de l’Eglise. Cela est une perte pour toi, mais ne remets pas en cause ton salut éternel dès lors que tu es chrétien.

Mais si gérard, bien sûr que tu me soupçonnes d’être perdu — mais cela, tu ne le sais pas, ou plutôt, il te serait si désagréable de prononcer le « hors de l’église, pas de salut », que tu te tortilles dans tous les sens pour trouver un compromis dans ta conscience. Peut-être qu’il y a quelques siècles, sans le témoignage de l’Histoire, tu n’aurais pas eu de telles hésitations. Quoi qu’il en soit, tu tentes de t’abstraire de l’accusation d’hérésie en me faisant une psychanalyse, ce qui n’est pas mieux puisque tu entres dans mon âme sans que je t’y ai invité ! Ainsi expliques-tu, que, selon toi, « je serais marqué par les errements des églises ». C’est-à-dire que tu supposes que je suis choqué et sous le coup d’un déséquilibre émotionnel devant la conscience que j’ai de la subversion du christianisme.

Je suis heureux pour toi que tu puisses avaler un tel breuvage sans avoir de crampes ; aussi, sachant combien cela est impossible, moi qui ai bu la coupe jusqu’à sa lie, je dis simplement que tu ne l’as pas bu et que tu n’as pas connu son amertume. Tu fais semblant, tu triches. Néanmoins, tu crois l’avoir fait, tu crois voir ce que je vois à propos de cette subversion ; mais il n’en est rien ! C’est pourquoi ton discours est tout à fait religieux et très exactement le même que j’ai entendu durant quinze années dans les églises, précisément. Car si tu avais bu ce breuvage, tu aurais aussi connu combien, une fois la difficulté passée de son absorption, il prend le goût du miel. Mais là aussi, tu confonds le ton mielleux et le miel, c’est-à-dire que tu confonds l’Église et le Royaume des cieux, tu fais dire au Christ : « Allez, et dites : l’Église glorieuse est proche », tandis qu’il affirma : « Allez, et dites : Le royaume des cieux est proche ».

Ton propos me fait penser à la fournaise des amis de Daniel, car il est dit, qu’une fois en être sorti : « l’odeur du feu ne les avait pas atteints. » Or, tu as l’odeur de l’Église si prégnante qu’on croirait, à t’entendre, entendre n’importe lequel de ces ecclésiastiques — tu ne dis que ce qu’ils disent, tu as la même doctrine, le même ton et la même rhétorique. Aussi je doute que tu ne sois passé dans cette fournaise, tu n’en as pas la marque : tu sens le religieux à plein nez ! Tu imites la différence en concédant que les systèmes ecclésiastiques sont condamnables, mais tu reprends absolument leurs fondements — y’a vraiment un truc qui cloche là. Je n’ose parler d’hypocrisie, car, je le répète, je crois que tu as de bonnes intentions, mais peut-être as-tu tout simplement peur.

Aussi, je te remercie de me faire le reproche d’en avoir la marque, car il me semble qu’aucun des prophètes de l’AT et qu’aucun des apôtres du NT n’étaient sans cette marque de faiblesse, de laissé pour compte, de discours fou, de colère et de sacrifices insensés. Ainsi disait ailleurs Chestov : « Toute recherche commence par l’inquiétude et finit par le déséquilibre », mais cela tu ne peux le comprendre, toi pour qui le Christ est source de quiétude et d’équilibre, toi qui sembles si effrayé par l’idée qu'il te fasse passer par le chemin étroit — « étroit », terme dont l’origine grecque est précisément « trauma ». Eh quoi, penses-tu qu’un de ces auteurs bibliques que tu encenses a écrit ses textes sur un coussin de soie et sous la fraîcheur d’un climatiseur ? Ils étaient tous brisés et si tu les rencontrais aujourd’hui, tu ne les reconnaîtrais pas. Dieu n’écrit ni avec de l’encre gérard, ni même avec de la sueur, mais d’abord avec des larmes, puis enfin avec du sang. Mais toi, homme, tremperas-tu ta plume dans une telle encre ?

« Je dis simplement que tu te trompes au sujet de l’Eglise. Cela est une perte pour toi, mais je ne remets pas en cause ton salut éternel dès lors que tu es chrétien », affirmes-tu.
Il est impossible de tenir cette position après les propos que tu as sur l'ekklésia. Réfléchis donc un peu. Tu ne peux faire coïncider ta doctrine sur le Corps de Christ et le fait qu’on puisse rejeter ce corps et pourtant en être un membre. Un membre qui s’ampute hors du corps n’est plus un membre du corps. De membre qu’il était, il redevient un corps à part entière, en lui-même : il retrouve son autonomie, car un membre n’est pas autonome. De plus, s’il refuse au corps l’identité qu’il prétend avoir, pour, de surcroît, donner cette identité aux démarches particulières de chaque-Un, à l’homme seul donc ; s’il prétend être lui un Temple à part entière, comme l’est ailleurs son frère, affirmant que le Temple du Corps ekklésial n’est qu’une supercherie, il n’est alors plus du Corps ! Prendrais-tu ton dieu pour un benêt ? Selon toi, le Corps est l’épouse ; or, cet homme-là, ayant renvoyé l’épouse, ne sera plus reçu avec elle — il est perdu !

À partir du moment où tu concèdes à l’Église d’être un Temple à l’égal de l’homme particulier, tu élèves une entité, une abstraction, à l’égal de l’existence concrète de l’homme particulier, celui-là seul pour lequel Christ dressa sa croix. Tu opposes deux temples qui auront, un moment ou un autre et inévitablement, des conflits : le Tout, c’est la limitation de l’Un. Ta position est impossible à tenir. Tu ne cesses finalement de proclamer le « hors de l’Église pas de salut », mais tu n’oses le dire de vive voix, pour motif de conscience probablement, aussi t’enfonces-tu dans la malhonnêteté intellectuelle. Aie au moins le courage de Calvin, car lui aussi a vilipendé l’Église romaine, et cependant, quelques années plus tard, dans son Institution Chrétienne, il écrivait avec l’encre du pape : « Quiconque se sépare de l’Église renie Dieu et Jésus Christ… Il est digne que Dieu le foudroie avec toute l’impétuosité de sa colère pour le briser » (livre 4, chap. 1.10). C’est ce que tu dis, même si, pour l’instant et ici-bas, cela est caché et non encore découvert.

2e intervenant
Bonjour ivsan tu écris :
Mais si Gérard, bien sûr que tu me soupçonnes d’être perdu — mais cela, tu ne le sais pas, ou plutôt, il te serait si désagréable de prononcer le « hors de l’église, pas de salut ».
Libre à toi de ne pas me croire : le Seigneur lui, sait ce qu’il en est. Un chrétien est pour moi une personne née de nouveau (par sa foi en Jésus), et scellée du Saint Esprit. C’est tout. Une telle personne a le salut, la vie éternelle, quand bien même elle retiendrait par ailleurs de graves erreurs doctrinales (comme la négation de l’Eglise ou du corps du Christ ou de l’autorité des Ecritures), ou morales, ce qui est encore un autre sujet.
« Hors de l’Eglise point de salut », c’est les catholiques qui le disent ou le disaient, sous entendu « hors de l’Eglise catholique, point de salut ». Est-ce que tu vois la différence ? En fait si tu emploies cet argument c’est à mon avis que tu es très influencé, même à ton corps défendant et en les combattant, par les idéologies catholiques. Entre chrétiens, on peut se dire cela sans pour autant être accusé de tenter une psychanalyse de l’autre, ce qui n’est pas mon intention au demeurant.
« Je suis heureux pour toi que tu puisses avaler un tel breuvage sans avoir de crampes ; aussi, sachant combien cela est impossible, moi qui ai bu la coupe jusqu’à sa lie, je dis simplement que tu ne l’as pas bu et que tu n’as pas connu son amertume. »
Je compatis, et je te souhaite sincèrement de trouver le lieu (moral) du rassemblement des chrétiens autour de Jésus Christ seul. Je te souhaite également de bien comprendre ce qu’est l’Assemblée (ou l’Eglise) : « le Christ a aimé l’assemblée et s’est livré lui-même pour elle (…) Ce mystère est grand ; mais moi je parle relativement à Christ et à l’assemblée" (Ephésiens 5, versets 25 et 32).
« peut-être as-tu tout simplement peur. »
Non, je n’ai pas peur, de par la seule grâce de Dieu. Et je me réunis autour du Seigneur avec d’autres chrétiens depuis plus de 40 ans avec une grande joie.
« Un membre qui s’ampute hors du corps n'est plus un membre du corps. »
Tu te trompes ; tu es comme chrétien, un membre du corps du Christ, que tu en sois conscient ou non, que tu le veuilles ou non.
« À partir du moment où tu concèdes à l’Église d’être un Temple à l’égal de l’homme particulier, tu élèves une entité, une abstraction, à l’égal de l’existence concrète de l’homme particulier, celui-là seul pour lequel Christ dressa sa croix. »
Je ne fais que croire à la Bible, révélation de Dieu inspirée. Chaque chrétien est un temple (une habitation) de l’Esprit, ainsi (et pas forcément à l’égal) de l’entité qu’est l’assemblée, vue comme l’ensemble des chrétiens, quelles que soient leurs dénominations religieuses, ou même leur isolement. Le Christ mourut en croix non seulement pour chacun de ceux qui croiraient en lui, mais « pour rassembler en un les enfants de Dieu dispersés » selon un verset des évangiles. Il mourut aussi pour faire éclater la gloire de Dieu.

2e intervenant
Bonjour,
Un chrétien tel que j’ai défini ce qu’il est, ne peut pas perdre son salut.

Akklésia · Ivsan Otets
2e intervenant a écrit : […] Un chrétien est pour moi une personne née de nouveau, et scellée du Saint Esprit. Une telle personne a le salut, la vie éternelle, quand bien même elle retiendrait par ailleurs de graves erreurs doctrinales (comme la négation de l’Eglise ou du corps du Christ ou de l’autorité des Ecritures), ou morales, ce qui est encore un autre sujet. • « Hors de l’Eglise catholique, point de salut ». Est-ce que tu vois la différence ? En fait si tu emploies cet argument c’est à mon avis que tu es très influencé, même à ton corps défendant et en les combattant, par les idéologies catholiques. Entre chrétiens, on peut se dire cela sans pour autant être accusé de tenter une psychanalyse de l’autre, ce qui n’est pas mon intention au demeurant. • Je compatis, et je te souhaite sincèrement de trouver le lieu (moral) du rassemblement des chrétiens autour de Jésus Christ seul. Je te souhaite également de bien comprendre ce qu’est l’Assemblée (ou l’Eglise) […] Eph 5.25 et 32. • Chaque chrétien est un temple de l’Esprit, ainsi (et pas forcément à l’égal) de l’entité qu’est l’assemblée […]

Mais catholique signifie « universel » — réfléchis donc un peu bon sang ; le dogme de l’Église est toujours un discours sur une Église Universelle (…). Vérités doctrinales, dis-tu ; mais le credo n’a pour moi aucune valeur, il ne me sert que comme révélation négative. On ne construit pas une fraternité sur un credo, mais sur du vivant. Je te le répète : je ne suis pas certain que ton Dieu soit mon Dieu, et je ne consens pas à t’appeler frère — car la chose sérieuse est proprement là ; au regard de cela, la doctrine n’est que vanité. Tu es à mes yeux un homme endoctriné, et qui défend sa vérité doctrinale contre les « graves erreurs doctrinales » dont il se croit missionné pour les réfuter. Ne faut-il pas mieux, à l’instar du Christ, s’occuper du monde-à-venir ? Et lorsque Platon disait lui-même que « philosopher, c’est se préparer à mourir », j’affirme que suivre le Christ, c’est se préparer à ressusciter. Or, nul papier n’ouvre cette porte, seulement le sang. Tes doctrines seront jetées au sol, Gérard, puis brûlées.

As-tu une fois vu le film Mission de Roland Joffé (Palme d’or 1986) ? Lorsque le violent De Niro, fraîchement converti, rejoint la mission jésuite auprès des Amérindiens, après de longs jours de marche dans la forêt et gravissant d’abrupts monts, il porte avec lui un lourd baluchon et s’impose cette souffrance volontairement, telle une œuvre de repentance, un certificat. Mais parvenu à terme, en haut de la montagne avec le père jésuite, un Amérindien le reçoit, coupe son balluchon violemment et le jette dans le fleuve sans égard, puis il lui met un couteau sur la gorge. C’est à cet instant que l’ancien mercenaire (De Niro) comprend que rien ne le sauvera si ce n’est, à l’intérieur de lui-même, de croire… que tout est gratuit. C’est alors que surgit son rire, l’explosion de joie. Ainsi fera-t-on avec tes « vérités doctrinales » dont tu te charges et que tu défends inutilement ; on fera ainsi avec ton « dogme sur l’église » et avec tes vérités sur les « droits moraux divins ». On les jettera avec mépris au feu, on mettra un couteau sur la gorge de ton âme, puis on observera si, à l’intérieur, il y a un temple de Dieu. Car tout esprit qui prend une entité comme temple est un fantôme, mon cher Gérard — telle est l’église, elle qui est une entité, une représentation mentale, mais qui devient fantomatique dès lors où l’on prend le terme littéralement, comme si l’entité était vivante. Dieu ne demeure que dans l’Être Vivant, l’individu, non dans une abstraction, non dans une généralité ; celle-ci ne doit servir qu’à évoquer un sens pour l’individu, afin qu’il se mette en mouvement, hors d’elle précisément. Et toutes les abstractions qui se veulent de régner sur l’Être seront jugées sévèrement par l’Être-des-êtres. C’est alors que des dents grinceront, que les certains d’ici seront derniers là-bas et les incertains premiers ; les airs de violon n’y feront rien avec leurs belles envolées doctrinales : il faut la marque du sang qui coule de la croix. C’est cela la Grâce : elle est violente à l’égard des vérités et d’une jalousie terrible à l’égard de l’homme ; elle fait tomber la mort et toute justice qui la défend, même celle des anges.

Akklésia · Ivsan Otets
2e intervenant a écrit : […] Un chrétien tel que j’ai défini ce qu’il est, ne peut pas perdre son salut.

C’est un raccourci qui ne veut rien dire et avec lequel on peut tout dire — et que tu n’as d'ailleurs jamais défini comme tu le prétends. Une telle pensée a tôt fait de fournir un coussin de soie aux diseurs de credo comme toi. Car c’est précisément avec ce genre de certitudes que ces diables d’églises s’arrogent des droits qu’elles n’ont pas en faisant récitant un credo ou en baptisant. Attendons, attendons donc un peu voyons ; soyons moins impatients ; nous verrons bien qui a sa lampe remplie et qui nous joue du violon. Moins d’arrogance voyons, moins de certitudes, et un peu plus d’humilité, c’est-à-dire de foi, laquelle n’est pas une conviction, mais une passion sculptée dans un dépassement personnel du doute et jamais imposé à l’autre. A contrario, les convaincus sont souvent victorieux ici-bas, et ils s’imposent avec violence et intelligences : preuves par la réalité à l’appui. Je ne l’ignore pas. Mais ils sont surtout et d’abord victorieux d’eux-mêmes, ainsi que le suggère la construction du substantif : « convaincus ». Encore une fois, tu ne m’as pas lu, et tu redis une chose sur laquelle je t’avais déjà répondu. C’est décidément méprisant. Je t’avais déjà exprimé quelque part ce qu’est selon moi la nouvelle naissance : non ponctuelle, mais continuelle. De plus, affirmer à la volée une telle généralité sur le salut, pour un protestant, c’est une totale ignorance du discours protestant sur « la persévérance des saints ». Une pensée précieuse pourtant. Soit dit, le protestantisme européen est bien loin du commentaire aux Galates de Luther, il est plutôt sous le LSD, ce n’est plus de l’opium, mais le LSD des intégristes américains. Tu en es une démonstration brillante.

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